Les séquences discursives émotionnées : Définition et application à des données tirées de la base CLAPI

Cette communication se situe dans le cadre d'une théorie linguistique des émotions dans le discours et les interactions. Elle est fondée sur l'idée que les émotions : 1) sont argumentables (accountable) : elles ne sont pas causalement déterminées par une situation stimulus, comme le veut le modèle S → R de l'émotion. Les situations émotionnantes sont des construits cognitivo-linguistiques discutables et accessibles à la réfutation. 2) sont non pas des “passions passives” mais des activités : elles opèrent un formatage de la situation d'interaction, en d'autres termes, elles transforment la situation d'interaction et les participants ont à gérer cette transformation. Un point d'émotion correspond soit à une émotion déclarée par un terme d'émotion soit à une émotion inférée, sur la base d'indices amont (liés à la situation) soit d'indices aval (liés aux manifestations de l'émotion). On représente l'espace de l'émotion selon trois dimensions : intensité – temps – plaisir / déplaisir, qui permet de représenter des parcours émotionnels simples ou complexes. On se borne ici aux parcours simples. On propose une distinction entre émotion actuelle et rapportée, selon qu'elle affecte ou non un participant à l'interaction. Il s'ensuit que l'unité discursive qui doit être retenue pour l'étude de l'émotion actuelle est une séquence incluant une situation donnée sous une certaine description émotionnante ainsi que le traitement interactionnel de l'émotion justifiée par cette situation. Cette approche est confrontée à un ensemble de données non construites par l'analyste, tirées de la base CLAPI (Corpus de Langue Parlée en Interaction). Ces données suggèrent que les choix théoriques et les distinctions opérées ont au moins une validité descriptive, et qu'elles permettent d'avancer vers une meilleure compréhension du fonctionnement discursif des émotions