Antiquité barbare, l’autre Antiquité : l’impossible réception des historiens français (1800-1950)

Face à l’Antiquité classique, modèle s’il en est, et à l’Antiquité celtique, investie par le nationalisme, l’Antiquité germanique ou barbare apparaît comme le parent pauvre de l’historiographie française moderne. La rareté des sources écrites ou leur rédaction tardive a souvent été invoquée pour excuser le peu d’études consacrées aux anciens Germains. L’analyse des discours historiographiques montre en fait comment ceux-ci furent désignés, dès la Révolution française, comme ennemis de la Nation. Alors que les historiens allemands multiplient les stratégies de réhabilitation des Barbares, leurs homologues français conservent jusqu’à la fin des années 1950 cette approche. Le parallèle implicite établi entre populations barbares et sauvages destructeurs de la civilisation est chaque fois réinvesti par les problématiques contemporaines, et permet systématiquement d’identifier le Germain comme la figure paradigmatique de l’altérité.Confronted with classical Antiquity, a model if there be one, and with Celtic Antiquity, invested by nationalism, Germanic or barbaric Antiquity appears as the poor re1ative of modem French historiography. The scarcity of written sources or their belatedness have often been invoked as an excuse for the small number of studies devoted to the ancient Germans. As a matter of fact the analysis of historiographic discourses shows how the latter were designated, ever since the French Revolution as the enemies of the Nation. While German historians multiply strategies that aim at bringing the Barbarians back into favour, their French counterparts have kept up that approach down the late 1950's. The implicit parallel between barbaric peoples and savages bent on destroying civilisation is, on .each occasion, reinstated in contemporary prob1ematics and systematically allows them to identify the German as the paradigmatic figure of otherness