En quête des chefs de dépôt, au temps des compagnies

Cet article aborde un objet négligé de l’histoire sociale des chemins de fer à l’époque des compagnies : la figure du chef de dépôt (dont les fonctions varient considérablement d’un dépôt à un autre). Avant de présenter et d’étudier un certain nombre de sources, l’auteur présente l’enjeu du recrutement des responsables de la Traction et du Matériel en évoquant, derrière les apparences maintenues d’un large recrutement « sur le tas », la rivalité prépondérante entre ingénieurs d’État et ingénieurs civils, les premiers accaparant les plus hauts postes des compagnies dès le milieu du XIXe siècle. Une approche sociologique des chefs de dépôts est ensuite esquissée à partir de la source constituée par les annuaires professionnels. Cette analyse synchronique montre clairement la domination des anciens élèves des Arts et Métiers (Gadz’arts) parmi les chefs de dépôt diplômés, tous réseaux confondus. Cette prépondérance est alors interrogée grâce aux premiers annuaires d’anciens élèves de l’école, qui révèlent des parcours contrastés (au sein d’une même compagnie ou non). Particulièrement forte au PLM, la place des gadz’arts à la Traction et au Matériel témoigne de compétences techniques et humaines reconnues par les compagnies au sein desquelles des carrières, dures mais parfois brillantes, sont même « balisées » en fonction du rang de sortie de l’école. Enfin, l’article présente une source originale permettant d’envisager une approche longitudinale des carrières ferroviaires des diplômés des écoles à la Traction du réseau Est, parfois jusqu’au rang d’ingénieur. Appelant à une poursuite de l’enquête, l’auteur conclut sur l’intérêt d’affiner notre connaissance des trajectoires professionnelles au sein du Matériel ou de la Traction en recourant notamment aux dossiers personnels conservés au centre d’archives SNCF de Béziers.This article addresses a neglected topic in the social history of the railways at the time of the companies, the figure of the head of depot (whose functions vary considerably from one depot to another). Before presenting and investigate a number of sources, the author introduces the issue of the recruitment of Traction and Equipment officials, pointing – behind maintained appearances of a large recruitment "on the job" – the predominant rivalry between State engineers and civil engineers, the first grabbing the highest positions of the companies from the mid-19th Century. An initial sociological approach of Heads of depots is then sketched from the source constituted by professional directories. This synchronic analysis clearly shows the dominance of former students of the Arts et Métiers school (Gadz’Arts) among the graduates, in all networks. This balance is then questionned thanks to the first alumni directories of the school, which reveal contrasted careers within a same company or not. Particularly strong for PLM, the positions of the Gadz’Arts in the Traction and Equipment demonstrate technical and human skills recognized by the companies in which careers, hard but sometimes brilliant, are even "marked" according to the rank of graduation. Finally, the paper presents an original source to consider a longitudinal approach to the rail careers of graduates of the schools in the Traction of the Réseau Est, sometimes to the rank of engineer. Calling for a continuation of the investigation, the article concludes on the interest to refine our knowledge of career trajectories within the Equipement or Traction, including through personal records kept at the SNCF Archival Centre of Béziers