Les modèles sociaux du rapport à la culture véhiculé par la littérature de jeunesse : http://enfanceetcultures.culture.gouv.fr/actes/bonnery.pdf

Cette proposition se situe entre les deux premiers axes : " l'analyse de la culture matérielle " et " les rapports aux pratiques, aux objets, aux produits culturels, et les affiliations qu'ils produisent ". Nous considérons les objets culturels à destination de l'enfance créés par des adultes sous deux angles. Ils cristallisent des influences (conceptions sociales de la culture en général, de l'enfance, de l'action de la famille en matière de socialisation culturelle...) et notamment, ils portent l'empreinte d'un rapport à la culture. Ils sont aussi des instruments de transmission entre générations d'éléments de culture, de rapports à la culture, de l'activité que l'enfant doit mobiliser pour percevoir l'oeuvre. Les livres narratifs pour enfants de 4 à 8 ans, à l'âge de l'entrée dans la culture écrite (classes de grande section, de CP et CE1) et de l'entrée plus systématisée dans la " culture cultivée " en général, donnent souvent à voir de façon particulièrement claire des conceptions de la culture et du rapport à la culture à transmettre à l'enfance. L'approche sociologique sera outillée de la didactique de la littérature et des théories qui influencent les albums enfantins (théories de la réception, psychanalyse...). La communication montre les transformations du rapport à la culture des enfants, supposé par les livres et potentiellement développé par l'usage de ces albums, en se basant sur une analyse diachronique et synchronique deux corpus d'albums : d'abord une série (Babar) ayant 70 ans d'existence pour comprendre les évolutions internes à la série ; ensuite un corpus constitué des cinq albums les plus significatifs par décennie depuis la Libération. Ces corpus sont analysés selon les trois mêmes critères, pour établir les types d'évolutions profondes du rapport à la culture en quelques décennies : 1) comment la découverte culturelle est mise en scène, notamment sous la forme " visite " ? quelles désignations de ce qui est motif d'observations et de commentaires, et dans quelles modalités, qui participent de formes de rapport à la culture. 2) quelles sont les références à d'autres oeuvres dans l'album, sous quelle forme (évidence, explicitation...) et à quelle places (clin d'oeil, allusion fondamentale pour comprendre le coeur de l'histoire...) ? 3) quels codes narratifs sont mobilisés par l'album - on se centrera sur le traitement de l'archétype du méchant) ? Quelle conformité des personnages à l'archétype, quel détournement ou jeu avec ? On montre ainsi une littérature de jeunesse porteuse d'un modèle social de l'enfant-lecteur qui est davantage dans un rapport d'appropriation personnalisée des éléments de culture, dans un rapport de plaisir à la découverte culturelle qui modèle de plus en plus le livre comme un jeu d'indices à décoder par le lecteur-enfant pour comprendre l'intention de l'auteur adulte. En conclusion, on pointera les potentiels effets inégalitaires : des albums instruments possibles du développement précoce d'un rapport à la culture très élaboré ; les mêmes albums simultanément porteurs de plus de pré-requis faute desquels ils sont probablement inutilisables