Soirs de vernissage. Publics et pratiques autour de l'art contemporain à Paris, de la Libération à la fin des années soixante

[Revue de l'École doctorale d'histoire de l'université de Paris I]" C'est le regardeur qui fait le tableau " : cette célèbre déclaration de Marcel Duchamp renvoie à l'une des caractéristiques essentielles des oeuvres artistiques contemporaines, à savoir l'importance que joue le public qui les contemple dans leur reconnaissance comme oeuvre. La capacité à décider ce qui est de l'art et ce qui n'en est pas est dès lors déterminée par un ensemble complexe et parfois contradictoire de facteurs de légitimité - savoir, intuition, et position sociale. Le vernissage d'une exposition, en ce sens, constitue à la fois le baptême social de l'oeuvre d'art et la matérialisation de la communauté d'admiration formée par les amateurs d'art. L'étude des lieux et des pratiques qui y sont associées permet de mieux cerner les mécanismes de constitution de ce groupe en élite : l'inclusion se fait en effet tout autant par la présence lors de l'événement, par la connaissance des codes et des langages employés, que par la participation à des rituels spécifiques. Les sociabilités qui sont à l'oeuvre lors de ces vernissages expliquent en partie le rapport de notre société à l'art contemporain : à l'heure de la démocratisation culturelle, les amateurs parisiens d'art contemporain réagirent en effet par une plus grande ritualisation de leurs pratiques, qui, parce qu'elles nécessitaient une initiation, entretinrent l'élitisme dans l'accès à la création contemporaine. URL : http://www.cairn.info/revue-hypotheses-2008-1-page-285.htm (consulté le 26/09/2012)