La rationalité d’<i>Homo Oeconomicus</i>

L’atout majeur du principe de rationalité en sciences sociales est qu’il nous incite à chercher l’explication aux comportements en apparence irrationnels des agents du côté des raisons d’agir des agents eux-mêmes et non pas de quelque force obscure que ce soit, qui dicterait de façon arbitraire leurs manières de se comporter. Il est supposé rendre totalement intelligible un comportement donné, l’expliquer sans « boîte noire » comme dirait Raymond Boudon. Toutefois, en ne conservant que la dimension instrumentale de la rationalité, l’adaptation des moyens aux fins, l’agent apparaît comme une machine à calculer imparfaite dont nous sommes vite amenés à supposer que la motivation profonde est la satisfaction de son intérêt propre immédiat et égoïste. C’est à partir de ce type de conclusion que la théorie de l’Homo Oeconomicus se nourrit en partie. Celui-ci illustre une hypertrophie de la rationalité instrumentale et de l’égoïsme maximisateur telle qu’il n’a plus grand-chose à voir avec les individus humains qu’il prétend pourtant mimer. Comme l’explique Amartya Sen, en tant qu’il est complètement déconnecté de tout un pan de ce qui contribue à constituer une vie humaine, « l’homme purement économique est à vrai dire un demeuré social. La théorie économique s’est beaucoup occupée de cet idiot rationnel, drapé dans la gloire de son classement de préférences unique et multifonctionnel ». Il convient donc par une étude de la rationalité ou plutôt des formes de rationalités, de restituer à l'Homo Oeconomicus la place qui est la sienne : une illustration sous forme de fiction abstraite et caricaturale, à visée scientifique, de l’hypertrophie d’une rationalité instrumentale dont on ne peut nier qu’elle existe et occupe une part de plus en plus grande dans les activités humaines