La construction de la réalité : essai et récit

Cette recherche fait suite é une aventure d'écriture commencée depuis longtemps. En effet, en 1979, j'ai publié l'histoire de ma fille Mona atteinte de leucémie à l'âge de quatre ans. Le médecin traitant prévoyait alors sa mort au bout de vingt mois. Il y a eu un combat terrible entre mon coeur et ma tête. L'un disait: "bats-toi pour la vie de ton enfant"; l'autre raisonnait: "les médecins connaissent leur science". J'ai écouté mon coeur en me servant de ma raison. Pour bien vivre le temps alloué, et surtout de manière è ne rien regretter, j'ai traité ma fille comme si elle allait grandir. Je devinais son malheur à être traitée différemment des autres. J'ai cru è un rêve incroyable en 1970, la sauver de la leucémie. J'ai décidé de me préparer mentalement è sa vie et non è ses funérailles. Il n'y avait pas de doute, tout le monde va mourir, c'est ce que l'on faisait en attendant qui comptait. J'ai découvert l'urgence du bonheur. J'ai, comme par "magie", arrêté le processus destructeur. Mona a pu vivre une vie normale jusqu'à 12 ans. Fière de notre expérience positive contre l'ennemi mortel, j'ai écrit son histoire dans le but d'aider des gens qui, comme moi, vivaient des situations sans issue. La maladie est revenue. Même si j'ai mis en pratique tout ce que j'avais découvert par l'exercice de l'écriture pour passer avec elle les étapes qui nous attendaient, je me sentais en même temps coupable d'avoir nommé l'indicible, d'avoir dévoilé mes secrets. Je me sentais comme une pécheresse qui avait fait un péché qui fait du bien. Néanmoins, je me jurais de ne jamais plus écrire, puisque se remémorer les malheurs pour les raconter semblait les recréer. J’ai, après la mort de ma fille, hébergé une jeune fille qui avait vécu des problèmes familiaux graves : violence. Inceste, mal à l’âme. Mol qui avals lutté pendant onze ans avec une fille malade, je me proposais de donner le goût de vivre è une belle grande fille en santé dans un rien de temps. J'ai essuyé une cuisante défaite. Après quelques tentatives de suicide, elle est partie. J'étais démolie. Me sentant Incapable d'aider une adolescente en détresse, j'ai repris ma plume dans le but d'Injecter dans un livre le goût de vivre de ma fille Mona. Au moins, je ne ressasserais pas mes souvenirs douloureux en vain. J'ai oublié Je t'aime la vie. Dans ce récit, Mona me renvoie mes leçons d'espoir et accepte la transplantation de la moelle osseuse avec une attitude de gagnante. Elle mourut à quinze ans en demandant d'autres traitements et en rêvant de retourner è l'école. Elle avait tellement d'ambitions. J'espérais que les jeunes soient secoués après la lecture de ses combats, la description de ses grandes joies causées par de simples plaisirs de la vie. Raconter toute cette fraîcheur, cet espoir, cette lutte féroce pour conserver la vie, quand d'autres parlent de suicide, me semblait l'antidote par excellence. Reconnaître toutes les forces Insoupçonnées en nous. Dévoiler le merveilleux équipement humain qui, lorsqu'on y croit, nous sauve. Exprimer aussi les valeurs curatives de l'échange et du don. Je me suis permis d'écrire è nouveau parce que des gens m'ont demandé après la mort de ma fille : "qu'est-ce que ça t'a donné de tant lutter?". Mona m'avait en quelque sorte tout montré