Le retour d'exil: un dilemme. Réflexions autour de la correspondance échangée par Hermann Broch avec Volkmar von Zühlsdorff et Ruth Norden (1945-1949)

International audienceVolkmar von Zühlsdorff contribua, avec Hubertus von Löwenstein, à la fondation de la Deutsche Akademie der Künste und Wissenschaften in Exil aux Etats-Unis, dont il fut administrateur de 1936 à 1942. Zühlsdorff a rencontré Hermann Broch Outre-Atlantique et partagea ces années d'exil avec lui. Broch manifestait une réticence farouche à l'idée d'un retour en Allemagne où, selon lui, l'antisémitisme avait résisté à la défaite du nazisme. Pour l'auteur de "La mort de Virgile", la reconstruction austro-allemande ne peut s'élaborer efficacement ni sainement dans un pays encore miné par le fascisme et à peine aidé par un noyau trop minoritaire d'anciens résistants allemands. C'est précisément sur ceux-ci que Zühlsdorff prétend s'appuyer ; dans la correspondance qu'il échange avec Broch de 1945 à 1949, il soutient une politique volontariste de réhabilitation, trop peu réaliste aux yeux de l'écrivain. Le scepticisme de Broch s'exprime aussi clairement dans ses réponses aux lettres de son ancienne égérie, Ruth Norden, entre 1934 et 1948. Celle-ci fut tour à tour assistante de Peter Suhrkamp, secrétaire d’Einstein par épisodes et officier responsable de la station radiophonique américaine à Berlin (Rundfunk im amerikanischen Sektor – RIAS). Son témoignage sur l'état de l'Allemagne où elle réside dans l'immédiat après-guerre est aussi précieux que celui de Zühlsdorff. Elle ne ménage pas ses efforts pour rappeler Broch à la raison, mais en vain : celui-ci ne quitte pas les Etats-Unis, où il mourra, à New Haven, en 1951. Ces deux correspondances mettent en lumière, à côté de nombreux détails historiques, les conflits de conscience de trois fervents partisans de la paix