La phrase de Proust. Longueur et rythme.

National audienceLa longueur de la phrase proustienne n’a échappé à personne, pas même au plus inattentif des lycéens. Avec 31 mots en moyenne (ou 3 lignes par phrase dans l'édition de la Pléiade, ou encore 14 phrases par page dans la même édition), la phrase de Proust l’emporte sur celle de tous les écrivains dont les données sont connues, y compris Chateaubriand (27 mots en moyenne). La complexité et la longueur de la phrase sont deux éléments liés. La rhétorique fait de Rousseau le suivant immédiat de Proust (au moins dans l'Emile) et c'est du côté du XVIIIe et du XVIIe que Proust peut trouver des concurrents. Car la phrase depuis 1789 tend à raccourcir comme on l’a constaté dans le corpus du T.L.F. Il est d'autant plus significatif que Proust ait résisté à ce courant.L’étude présente s’appuie sur le dénombrement des jalons qui marquent la segmentation variable du discours : si les ponctuations fortes sont déficitaires dans la Recherche (point, exclamation, interrogation, suspension), même atténuées (deux points, point et virgule), on y trouve à profusion les parenthèses et les tirets, ces signes introduisant un décrochage de la pensée, une incidente, une explication, une extension, une précision, une objection. On montrera que sur ce point la composition n’est pas homogène et qu’une évolution se dessine au cours de la rédaction. En abordant enfin la question du rythme, c’est-à-dire de la succession des phrases, on tentera d’apprécier un phénomène récurrent qui agglutine séparément les phrases courtes et les longues, en produisant une sorte de houle dans le discours