L’ épreuve du vieillir: De Beckett à la clinique du réel

International audienceL’exil a occupé une place centrale dans l’expérience beckettienne, et plus particulièrement le rapport à la langue étrangère et à sa manière infiniment singulière d’étrangéiser les mots tout en étant étranger parmi les mots. À partir de l’étrangeté de la langue, Beckett s’est penché sur l’étrangeté de l’être et de ses résonances à travers les expériences existentielles liées à la condition humaine. C’est ce dont témoignent avec force ses personnages de théâtre confrontés à la vieillesse et à l’épreuve du temps. Quel éclairage peuvent-ils apporter face à la clinique du réel ?Il s'agit de s'inspirer de ce que nous enseigne l'esthétique beckettienne. Cette approche ouvre des questions essentielles qui se posent à nous, dans une époque où la faille humaine qui se rappelle à travers les épreuves de l’existence, et plus particulièrement la vieillesse, est de moins en moins supportée par les idéaux contemporains marqués par la tyrannie de la normalisation et des performances. Ce passage par Beckett permettra donc d'aborder la clinique à partir d'un nouveau regard sur l’exil et d'une nouvelle écoute qui restituent à la vieillesse sa dimension tragique liée à ce que chacun a de plus intime, de plus partageable avec la communauté des hommes. Un regard qui considère la faille humaine, non pas comme un déficit ou une impuissance, mais comme une part d'impossible qui peut se transformer en force et ouvrir le chemin de la sublimation. Une écoute qui réhabilite l’humain désirant, parlant, et qui reconnaît que la personne âgée, quelle que soit sa différence culturelle ou sa forme de souffrance, n’en demeure pas moins sujet, même lorsqu’elle sombre ou qu’elle est en proie à ce que les psychiatres appelaient «la démence sénile»