DEUX SOCRATE FRANÇAIS : LE SOCRATE D’ALFRED FOUILLÉE (1874) ET LE SOCRATE D’ÉMILE BOUTROUX (1883)

Nous nous proposons d’examiner une séquence de l’histoire des études socratiques telle qu’elle s’élabore en France, dans la seconde moitié du XIXe siècle, qui marque un renouveau des études sur Socrate et plus généralement de l’histoire française de la philosophie. Nous approcherons ce moment de l’interprétation de la pensée de Socrate à partir deux figures significatives de cette période: Alfred Fouillée (1838-1912) et Émile Boutroux (1845-1921).Le premier est l’auteur de La philosophie de Socrate parue en 1874, le second d’un Socrate fondateur de la science morale, publié en 1883. Si ces deux ouvrage partent de la même intention : retrouver le Socrate historique, ils aboutissent à deux résultats sensiblement différents. A. Fouillée dresse un portrait d’un Socrate logicien et déjà métaphysicien, E. Boutroux d’un Socrate exclusivement attaché aux choses humaines et morales. Ces deux interprétations du Socrate historique nous sont apparues suffisamment différentes, voire opposées, pour ouvrir des interrogations importantes sur ce que fût véritablement la pensée de Socrate, d’une part, et pour mériter, par conséquent, d’être confrontées l’une à l’autre, d’autre part. Cette confrontation est facilitée par le fait que les thèmes abordés par Fouillée et Boutroux se recoupent largement. En effet, l’état des thèmes de recherches ayant trait à Socrate à l’époque est recensé et, selon nous, même établi dans le paysage philosophique français par le programme du prix Victor Cousin de 1868, mis au concours par l’Académie des sciences morales et politiques. Nous nous intéresserons, en priorité, à la façon dont les deux auteurs traitent :-de la valeur qu’ils accordent aux sources et témoignages de Xénophon, Aristophane, Platon et Aristote,-de l’innovation et l’objet de la pensée socratique, et, à cette occasion, les rapports de Socrate à la sophistique, ainsi que des rapports de Socrate à la religion, -de la méthode socratique