Entre discours et pratiques : le paludisme dans une plantation au Sud Cameroun

International audienceIntroductionAfin de mieux comprendre les raisons des échecs thérapeutiques et médicamenteux liés aux crises de paludisme subies régulièrement par les populations camerounaises qui vivent dans les zones forestières où le paludisme est persistant il est utile d’étudier, avec une approche anthropologique, les discours et pratiques des populations et des soignants qui vivent et gèrent le paludisme au quotidien.MethodsNous avons menée une enquête anthropologique durant le 1er semestre 2002 dans une plantation du Sud Cameroun (Hevecam) à partir d’entretiens semi-directifs auprès des patients et du personnel médical et d’une observation des consultations. 272 personnes ont été ainsi enquêtées dont 19 membres du personnel soignant. L’enquête a été réalisée principalement à l’hôpital de la plantation et complétée par des entretiens avec les infirmiers des dispensaires, les cadres de l’entreprise et des discussions avec les vendeurs ambulants de médicaments. Elle s’inscrit dans le cadre du projet PAL+ Représentations, comportements et gestion du paludisme dans une plantation en forêt tropicale (Sud Cameroun), Ministère de la Recherche, France.ResultsNotre enquête révèle que le recours à une formation sanitaire est aléatoire, même pour traiter les maladies pour lesquelles les capacités de la médecine moderne sont universellement reconnues. Ce recours dépend de facteurs exogènes et endogènes à cette maladie : difficultés d’accessibilité aux soins médicaux, impact du fonctionnement hiérarchique du système sanitaire, des rapports soignants-soignés, multiplication des lieux d'approvisionnement en médicaments et de prestations médicales, hors système qui constituent un éventail de choix et parfois des raccourcis pour les personnes en quête de soins.Les facteurs endogènes sont dépendants des convictions thérapeutiques du malade et du personnel soignant et notamment le sentiment d’accoutumance créé par la récurrence de la maladie favorise l’automédication chez les malades et entraîne, chez le personnel soignant, la prescription systématique des antipaludiques lors des consultations médicales. Par ailleurs, la prolifération des molécules d’antipaludiques disponibles dans le secteur du médicament, qui induit une multitude de posologies et d’effets thérapeutiques inhérents à chacune d’elle, crée une diversion dans la prise en charge de cette maladie.InterpretationIl faut souligner que l’absence de discours de valorisation du médicament générique confère à cette catégorie de produit un statut de « substitut inefficace des spécialités », une « médication aléatoire » tant pour les malades que pour les soignants