Détournements de l’olfaction dans la littérature de la deuxième partie du XIXème siècle (France et Angleterre)

The sudden profusion of olfactory sensations in French literature of the second part of the XIXth century marks a major milestone in literary history. While they had been somewhat scarce and trite prior to 1857, olfactory sensations now mark a crucial evolution in literature. Best characterized as a “deviation,” this newfound use of olfaction primarily serves to shatter two pillars of spiritual thought, religion and love. Deviation can also give rise to full-scale rebellion as the longstanding tradition of discrediting smells is rejected and olfaction is integrated into literature. Using olfactory sensations becomes a convenient way for writers to reveal the underpinnings of society, morality or life itself. They signal their rejection of set boundaries by protesting against a hierarchy of esthetic values and affirming a new modernity, by rejecting rationality and giving rise to a new apprehension of the world, or by negating “good taste” and proclaiming a new relationship with repulsion. But olfactory rebellion carries its own limits. A study of olfaction in the literature sheds light on some fundamental “oscillations” in that period, namely between materialism and spirituality. Deviation, finally, takes on a stylistic meaning. Olfaction, as a “mute” sense is not easily codified into words. Writers must resort to language deviation to fully express olfactory senses. In doing so, they discover an untapped fount of smells and sensations which can enrich language by lending themselves to numerous metaphors. A comparison with English literature of the same period and its relative paucity of olfactory sensations shows that the deviation phenomena under scrutiny are specific to French literature.L’apparition massive des sensations olfactives dans la littérature française de la deuxième moitié du XIXème siècle est un événement majeur de l’histoire littéraire. Rares ou stéréotypées auparavant, les sensations olfactives indiquent, à partir de 1857, une évolution essentielle de la littérature. Dans un premier temps, le terme de “détournement” rend compte d’une nouvelle utilisation de l’odorat pour ébranler deux piliers de la spiritualité, l’amour et la religion. Dans un deuxième temps, il prend le sens de révolte ; en effet, intégrer l’olfaction dans la littérature est une prise de position contre une longue tradition qui discrédite l’odorat. Le recours à l’olfaction témoigne alors d’une volonté de révéler les dessous, qu’il s’agisse de la société, de la morale, ou de la vie. Plus généralement, il manifeste le refus de toute forme de frontière, soit par une protestation contre la hiérarchie des valeurs esthétiques et l’affirmation d’une forme inédite de modernité, soit par le rejet de la raison et l’accès à une nouvelle appréhension du monde, soit encore par la négation du « bon » goût et la proclamation d’une nouvelle relation avec la répulsion. Mais la révolte olfactive a aussi des limites : l’étude de l’olfaction dans les textes laisse percevoir, de l’intérieur, quelques “oscillations” fondamentales de cette époque, en particulier entre le matérialisme et la spiritualité. Dans un troisième et dernier temps, le détournement est entendu dans un sens stylistique : sens en quelque sorte muet, l’olfaction est particulièrement difficile à “rendre” littérairement. Les écrivains doivent donc “détourner” le langage pour restituer les sensations. Mais ils découvrent aussi que l’univers des odeurs recèle de multiples richesses, et qu’il peut prêter au langage de nombreuses métaphores. Pour mieux apprécier la spécificité du détournement dans la littérature française, cette étude établit une comparaison avec la littérature anglaise de la même période, dans laquelle la présence olfactive est beaucoup moins affirmée