IDEOLOGIE TERRITORIALE ET ETHNOGENESE

Les fondements rationalistes de la pensée sociale sont actuellement remis en cause dans de nombreuses sociétés industrielles. Cette remise en cause nous permet de mieux saisir l’importance que joue l’idéologie spatiale lorsqu’une culture cherche l’équilibre entre l’universalisme dont se réclame une bonne partie de la société occidentale et le culturalisme qui, des nationalismes du 19e siècle, mène aux régionalismes des années 1970-1980. 11 est commode pour le spdcialiste politique de considerer les groupes ethniques comme des donndes stables et a peu pres immuables-mais la frdquentation la plus dldmentaire de l’histoire, ou celle de 1’ethnologie, montrent combien les contours et la consistance des ensembles qui se considdrent comme solidaires est variable. Toutes les histoires de 1’Antiqu ~ buttent, dans la narration de 1’evolution des tribus germaniques, sur la p6riode qui va du F au 111’ sièc1e de notre ere: les noms anciens disparaissent, de nouveaux apparaissent sans que l’on puisse ddceler, par derridre, de puissants mouvements de peuples. L’impression est bien plut6t celle d’une turbulence A courte ou moyenne distance: les tribus anciennes y perdent leur identite, cependant que s’dlaborent des groupements plus im-portants, les ancdtres de Stdmme qui continuent A peser si lourd sur le destin allemand jusque fort avant dans 1’histoire. Edmund Leach (1970), dans son dtude des syst6mes politiques des hautes terres de Birmanie, nous prdsente le cas des Kachin: ils s’individualisent par la langue, par les coutumes, par les institutions de leurs voisins Shan, mais l’opposition que l’on pourrait en ddduire n’est pas systdmatique. L’id£ologie gumsa des Kachin rend cependant les contrastes non signifiants dans le domaine politique. Les individus et les groupes passent d’un ensemble a 1’autre sans avoir le sentiment d’avoir franchi une barri6re. A 1’interieur meme des Kachin, les Gauri et les Ats