‘Je vous notifie la guerre mortelle’ : la déclaration de guerre à Venise en 1509, entre cérémonie, rituel et récit chevaleresque

International audienceLe 14 avril 1509, un étrange équipage quitte le duché de Milan, alors sous domination française, pour se rendre d’abord à Crémone, ville-forteresse de la Lombardie récemment conquise par Venise et objet de querelles entre la Sérénissime et le roi de France, puis à Venise même. Composée du héraut du roi de France, Gilbert Chauveau dit Montjoye, et du porte-bannière Jehan Jacques, l’escorte a pour mission de déclarer la guerre (et par n’importe laquelle : la « guerre mortelle ») que le roi de France, Louis XII entend livrer à Venise. Les Vénitiens n’ont aucune raison d’être surpris par l’entreprise : ils savent, depuis la signature en décembre 1508 de la Ligue de Cambrai, que les puissances européennes veulent leur ruine et ils subissent, déjà depuis le début du mois d’avril 1509, des cavalcades et chevauchées aux confins de leur Terre Ferme, qui manifestent les prémices de la guerre. Et pourtant, la démarche étonne. D’abord, elle n’est pas si courante entre XVe et XVIe siècle et si elle peut, a priori, s’inscrire dans le cadre de supposées valeurs chevaleresques héritées d’un Moyen Âge finissant, elle augure peut-être aussi de nouvelles modalités de faire la guerre. Ensuite, très ritualisée, elle semble instaurer une cérémonie propre de l’entrée en guerre, alors même que le cérémonial est d’ordinaire davantage déployé autour de la paix. Enfin, cette mission donne lieu, presqu’immédiatement et dans une certaine urgence, à plusieurs publications qui participent de l’intense activité imprimée autour de cette guerre : ces récits, qu’il convient de comparer à d’autres témoignages relatant la déclaration de guerre, élaborent une véritable grammaire de cette dernière et la mettent en scène, pour mieux définir une théorie de la guerre juste