Entre mémorialisation et patrimonialisation, la conservation des objets d’affection

International audienceTenir à quelque chose, y être attaché au point de ne pouvoir envisager sa perte sans une pointe de tristesse ou de regret, est banal. Qu’il s’agisse d’un souvenir domestique, gardé sans que l’on sache trop pourquoi, ou d’un monument, patrimoine local auquel on ne prête parfois même plus attention, un même attachement peut en effet se nouer entre des êtres et des biens. Ce lien fait irruption à la conscience quand le devenir de l’objet est menacé : sa conservation devient alors impérative. Que ce soit à l’échelle d’un individu, d’une famille ou celle d’un groupe, les petits souvenirs ordinaires et les grands monuments du patrimoine ont donc en commun leur aptitude à susciter un désir conservatoire. Un autre point commun les rapproche : tous deux sont au cœur de passions, provoquent des émotions et peuvent à ce titre être considérés comme des objets d’affection. L’emploi du vocable de souvenir atteste de ce besoin de mémoire que certains objets domestiques sont supposés pouvoir combler. S’agissant du patrimoine, la consécration dans les années 1980 de la notion de “lieux de mémoire ” a également entériné la possibilité de capter une mémoire. Les points communs entre les souvenirs domestiques et le patrimoine invitent à mettre en perspective la manière dont la mémoire et les émotions orchestrent la raison conservatoire. Qu’il s’agisse d’objets domestiques ordinaires ou d’éléments du patrimoine muséal, leur conservation attise en effet des passions dont la portée sociale et culturelle mérite d’être analysée. Cet article revient sur les enjeux de mises en mémoire contemporaines et des rouages affectifs qui les sous-tendent en abordant trois aspects de la conservation privée et publique des objets ordinaires : leur lien avec une mémoire, le processus de valorisation qui permet la conversion de l’ordinaire en précieux, et les enjeux socio-biographique qu’impliquent ces conservations