La protection juridictionnelle des droits fondamentaux : révélation d'une entente conceptuelle

http://www.droitconstitutionnel.org/L'attitude qui consiste à retenir, pour définir le système relationnel entre les Cours Suprêmes des divers ordres juridiques, le seul critère de l'indépendance organique a pour conséquence de créer l'illusion d'une « séparativité ». On voit aisément que de cette confusion peut émerger une sentiment de concurrence ou une situation de tension. L'idée selon laquelle il pourrait y avoir, simultanément, divers ordres juridiques qui pourraient s'ignorer sans jamais se pénétrer reposerait sur un sophisme inconscient qui consisterait à supposer que chaque ordre juridique suivrait un développement autonome, continu et unilinéaire. Or, l'observation du système de protection des droits fondamentaux relativise doublement l'analyse. D'une part, l'effective protection des droits fondamentaux ne peut être obtenue que si la mission des juges s'effectue dans le souci de préserver la cohérence générale. Or, les droits fondamentaux sont, en quelque sorte, la matrice qui permet de tendre vers cette unité. Au-delà des différences qui ne résident que dans les applications contingentes, naturellement conditionnées par les circonstances, puisque c'est le domaine laissé à l'adaptation, on peut constater une certaine « unité conceptuelle » de la part des diverses juridictions. D'autre part, s'il est évident que l'interprétation de ces droits dégagée par la juridiction constitutionnelle, gardienne de la norme constitutive de son ordre juridique, va imprégner, selon un mouvement descendant, les « couches inférieures » de la légalité ordinaire, il reste que ces droits, en ce qu'ils supportent une certaine autonomie dans leur interprétation, permettront que le mouvement soit inversé. Il faut donc dire que, s'il est des périodes où une juridiction émet, il en est d'autres où elle reçoit, ou bien que, tandis qu'elle émet certaines constructions, elle en reçoit d'autres. L'idée d'une concurrence n'est, au fond, qu'une illusion inhérente à la « séparativité ». Dès lors, la fin d'un sentiment de concurrence entre juridictions n'est jamais autre chose que la fin d'une illusion