Quand les débats se séparent de l'action. À propos des risques collectifs

Depuis plusieurs décennies, les controverses et polémiques autour des problèmes identifiés comme des risques, notamment comme des « risques collectifs », ont été particulièrement nombreux, au point de sembler parfois occuper l'espace public (au sens habermassien du terme). Tour à tour, le risque nucléaire, les « risques majeurs » technologiques et naturels, les risques sanitaires, les risques alimentaires et environnementaux ont focalisé l'attention publique. En raison de l'ampleur des menaces dont ils semblaient porteurs (pour des collectivités humaines, l'humanité, l'environnement...), ces risques se sont effectivement imposés comme des problèmes de société, marquant selon certains l'entrée dans la « civilisation » (Lagadec, 1981) ou la « société » (Beck, 2001) du risque. Leur émergence, liée tant à des événements critiques (accidents, catastrophes, crises) qu'à l'anticipation de possibles évènements, s'est ainsi accompagnée de nombreux débats de fond. Débats touchant aussi bien aux choix faits en matière de développement économique, au rôle des sciences et des techniques, au fonctionnement de la démocratie, qu'à des considérations d'ordre éthique, moral, etc. Les risques collectifs se présentent donc comme l'exemple même de problèmes qui apparaissent étroitement liés au développement de larges « débats d'idées ». <br />Dans le cadre de cet ouvrage, nous nous proposons de revenir sur l'analyse habituellement faite du rôle de ces débats dans la reconnaissance des risques comme problèmes publics, dans la conception de politiques publiques voire dans l'amorce de réformes. Nous explorerons ensuite une toute autre hypothèse consistant à relier « l'explosion » de ces débats d'idées aux logiques propres du débat public telles qu'elles s'affirment avec l'accroissement de l'autonomisation de l'espace public. Nous conclurons par une interrogation sur le sens à donner à l'apparente disjonction entre la question des risques, telle qu'elle est débattue dans l'espace public, et les questions de sécurité telles qu'elles sont traitées hors de cette scène