Traçabilité, étiquetage et émergence du « citoyen-consommateur » : l'exemple des OGM

International audienceDepuis la crise de la vache folle en 96, la traçabilité constitue en France une revendication consensuelle face aux problèmes de sécurité alimentaire. Cette communication vise à comprendre comment se sont mis en place, au nom de l'hostilité des consommateurs aux OGM, un étiquetage obligatoire et une traçabilité des produits renvoyant à une "convention civique" de la qualité qui se fonde moins sur des critères objectifs et mesurables des produits que sur l'adhésion à certains modes de production (Eymard-Duvernay, 1989; Sylvander, 1995).<br /><br />Une étude de cas fondée sur des entretiens semi-directifs avec des industriels, distributeurs, associations et administrations publiques, a permis de reconstituer les discours, stratégies et investissements des acteurs liés à la mise en place de procédures de traçabilité des OGM dans les filières maïs et soja, depuis 1998. Les résultats montrent comment diverses mesures de régulation ont été prises au nom du consommateur pour s'assurer de l'exclusion des OGM, ouvrant vers une forme de politisation des choix de consommation. On montrera notamment :<br />-la façon dont les discours de représentation des consommateurs par divers acteurs ont joué dans la construction de différents dispositifs de régulation des activités de production : si les associations ont eu un rôle important dans les évolutions de la réglementation d'étiquetage, les grands distributeurs ont également imposé à l'ensemble de la chaîne des fournisseurs, au nom du consommateur, des procédures privées de certification visant à l'exclusion des OGM, et ce malgré une connaissance imparfaite des comportements réels d'achats (Noussair et al., 2001).<br />-comment les dispositifs de traçabilité mis en place pour remplir ces exigences recyclent les procédures liées à la normalisation industrielle, en faisant appel à une forme de vigilance administrative de la part de tous les opérateurs afin de garantir la fiabilité de l'information apportée. <br />-la manière dont ce dispositif exacerbe la dimension de "biens d'origine" des produits alimentaires (Valceshini et Ruffieux, 1996) : fournissant une information d'ordre plus déontologique sur les activités et les modes de production que sanitaire ou technique sur les produits, la traçabilité sous-tend un nouvel "équipement cognitif du consommateur" (Cochoy, 2002), qui lui permet d'instruire la qualification des produits choisis en articulant le choix de consommation à une adhésion à des valeurs sociales. La figure du consommateur tend alors à devenir celle d'un citoyen-consommateur