: (traduit en portugais par Mariana Portella)

(version remaniée à paraître en français dans un volume des éditions Desjonquères en 2010).Si Feuilles d'herbe affiche donc de nombreuses marques d'excès, l'œuvre entretient pourtant des rapports complexes et conflictuels avec cette catégorie. L'écriture de Whitman est largement une entreprise de réduction de l'excès : le sujet absorbe tout ce qui n'est pas lui pour se constituer dans un accroissement perpétuel, comme la nation américaine déploie vers l'avant son énergie assimilatrice. Pourtant, certaines parties du sujet, certains événements de l'Amérique, résistent à ce mouvement intégrateur. C'est bien cet excès de présence, de sensation ou de souffrance qui donne à Feuilles d'herbe une qualité poétique irréductible : l'image concrète résiste à l'abstraction philosophique. Ce que le sujet démocratique, pas plus que la nation au-dessus de lui, ne parvient à intégrer trouve en revanche sa place dans le poème. Les failles du sujet comme celles de l'Histoire – la guerre civile en particulier - creusent le monument poétique sans menacer sa stabilité. La coïncidence entre la trajectoire du sujet, de la nation et du Livre n'est in fine pas parfaite : au refus du poète d'une altérité qu'il réduit au même, à la lutte de l'Amérique contre la sécession s'oppose une certaine plasticité de l'œuvre, qui accueille les contradictions sans chercher à les résoudre dans la frénésie du mouvement ou dans la construction dialectique