Expérience et raison dans la Chirurgia Magna de Guy de Chauliac

International audienceQuelle est la place respective de l’expérience et de la raison dans le savoir chirurgical ? Le savoir livresque et l’expérience fondée sur l’apprentissage concourent à la formation du chirurgien. La dissection qui se développe à la fin du Moyen Âge semble une pratique située plutôt du côté de l’expérience sensible. Pourtant les scènes qui ornent le frontispice de certains manuscrits montrent davantage la démonstration ritualisée d’un savoir livresque qu’une mise à l’épreuve de ce savoir par l’exercice des sens. Si le chirurgien doit avoir de bons yeux, il doit également s’en méfier et parfois même s’en passer, car la perception directe lui fait souvent défaut, notamment pour les maladies internes au corps, où il est obligé de raisonner à partir de ses connaissances théoriques. La seule exception notable concerne la relation de la peste de 1348 qui vient transformer dans sa nature même le discours de Chauliac : la peste n’est plus une espèce nosologique théorique, exposée sur le mode objectif, c’est un fléau qui surgit dans l’espace et dans le temps. Cependant son caractère exceptionnel marque en fait les limites d’une véritable remise en cause du savoir fondé sur la tradition et les autorités. Il faudra attendre un Ambroise Paré pour que la pratique, c’est-à-dire la relation avec un malade et une maladie donnée, l’emporte sur la construction intellectuelle du savoir