Ethnographie d'une controverse : Processions rituelles et conflits de représentation de l'espace social au Kerala

Le pèlerinage est très souvent présenté comme le rassemblement d'une communauté de croyants dans un climat de dévotion intense ; or, il peut être le théâtre de conflits, de luttes et d'affrontements. Dans le cadre de cette contribution, nous souhaitons combler partiellement une lacune de la géographie des fait religieux qui avait tendance à privilégier les formes spatiales du phénomène religieux au détriment des relations de pouvoir qui le traversent et l'informent (Raffestin, 1980). En effet, les pèlerinages comme les processions rituelles qui y sont parfois associées sont des "lieux" du politique en ce qu'ils remplissent à la fois la fonction de supports de l'action sociale, d'articulation de discours concurrents (Eade & Sallnow, 1991) teintés d'idéologies diverses, et de matrice des enjeux de pouvoir et de domination. En permettant la mise en scène d'intérêts divergents par des groupes d'acteurs en lutte pour l'occupation des positions dans le déroulement des rituels, ils sont aussi des lieux de médiation des luttes d'influence qui s'exercent habituellement dans l'espace social au niveau local. Ce sont ces luttes qu'il s'agit d'appréhender ici, en présentant tout d'abord les étapes de l'instrumentalisation politique d'un pèlerinage de masse dans l'Inde contemporaine, celui à Sabarimala au Kérala. Ensuite, un conflit interne à l'un des groupes processionnels structurant l'activité de ce pèlerinage sera décrit puis analysé pour mieux comprendre les enjeux de pouvoir internes et externes à un rassemblement religieux en Inde du Sud