L'efficace politique des littératures étrangères: G. de Staël et l'Allemagne

De la Révolution à la Restauration, Mme de Staël se tourne souvent vers les institutions politiques étrangères afin de réfléchir au régime le plus souhaitable pour la France - l'Angleterre étant, à cet égard, très admirée. Mais cet "ailleurs" n'épuise pas, selon nous, le rôle politique de l'étranger dans l'oeuvre de cet auteur. Sa réflexion sur les littératures étrangères, dans "De la littérature" en 1800 aussi bien que dans "De l'Allemagne" dix ans plus tard, a, elle aussi, une portée politique, qui montre que le rapport aux "ailleurs" ne peut se réduire à l'imitation d'un modèle. Si le maître mot du premier ouvrage est la perfectibilité - ce qui relègue l'axe géographique a un second plan, mais ne l'efface pas - le deuxième montre comment, paradoxalement, une littérature étrangère peut avoir une portée politique, en France, alors même qu'elle est, dans son propre pays, inapplicable, incapable d'unir les esprits ou de les former, et qu'elle n'apporte pas de lumières particulières sur les affaires politiques. De fait, il ne s'agit pas de faire des Français des Allemands, ni même de reprendre telle quelle leur littérature: mais celle-ci peut affermir l'individu dans ses combats, dans une France qui se meurt, sous le bonapartisme, de n'avoir plus d'autre base idéologique qu'un utilitarisme étroit