Revendications professionnelles et usage de la violence : le cas des bouchers parisiens (1886-1904)

National audienceSecouée par l'agitation boulangiste dans les années 1880 puis par l'agitation ligueuse dans le contexte de l'affaire Dreyfus dans les années 1890, la France est marquée par de nombreux mouvements sociaux assez violents, à une époque où l'anarcho-syndicalisme est omniprésent dans la classe ouvrière et où le syndicalisme révolutionnaire devient l'idéologie dominante au sein d'une CGT qui se structure lentement. Fidèles à une réputation ancienne de violence, les bouchers parisiens n'échappent pas aux manifestations bruyantes du moment. Du côté patronal, alors qu'une grève violente est organisée en 1889 à la Villette contre l'importation des moutons allemands et que certains chevillards (bouchers en gros) apportent leur soutien actif aux coups de mains antisémites et nationalistes du marquis de Morès en 1891 et de Jules Guérin en 1897-1899 (au sein de sa fameuse Ligue Antisémitique), les patrons bouchers détaillants font preuve d'une certaine modération (par rapport aux épiciers notamment), lors des grandes manifestations organisées par les ligues de défense du petit commerce contre les coopératives de consommation ou les grands magasins. Du côté des employés, il est très intéressant de voir que la principale revendication ouvrière, à savoir la suppression des bureaux de placement payants, va entraîner un déchaînement d'actions violentes (attentats meurtriers) entre 1888 et 1892, ce qui débouche sur la fermeture de la Bourse du Travail de Paris en 1893 et sur une répression policière féroce qui touche la plupart des Chambres syndicales ouvrières. Tout en refusant les intrusions socialistes, la Chambre syndicale ouvrière de la Boucherie de Paris fait preuve d'une certaine modération dans ses positions par rapport à d'autres professions plus virulentes (les coiffeurs et les limonadiers notamment). L'utilité du recours à la grève revient souvent dans les débats au sein des syndicats ouvriers, avant leur intégration progressive au sein de la CGT