Les monuments aux morts en Alsace, entre mémoire et oubli

International audienceL'émotion provoquée par les deux millions de morts de la guerre de 1914-1918 a suscité la mise en oeuvre de différentes actions destinées à manifester la gratitude de la communauté nationale envers ses héros, afin qu'elle commémore et se sou-vienne de « cette foule immense des obscurs de la Grande Guerre ». Ainsi prendra naissance, dès 1921 et dans chaque commune, un grand mouvement de construction de monuments aux morts, alors que la date du 11 novembre sera retenue pour la commémoration de ce sacrifice. Dans cet ensemble, l'Alsace occupe une place à part. Appartenant à l'Empire allemand entre 1871 et 1918, ses soldats, morts pendant la guerre, sont doublement obscurs car, non seulement ils font partie de l'immense armée des victimes, mais ils ont combattu, pour une large part, sous l'uniforme allemand et, de ce fait, méritent, sinon l'oubli, du moins un détournement de leur histoire. Néanmoins, les monuments aux morts, considérés, là comme ailleurs, comme politiquement nécessaires, seront édifiés sous l'autorité du gouvernement français, et les territoires recouvrés bénéficieront des mêmes avantages que les autres communes de France en terme de subventions (loi du 25 octobre 1919 et loi de finance du 31 juillet 1920). Mais les combattants, pour la plupart enrôlés dans l'armée allemande, n'y seront pas célébrés comme des héros de la Patrie mais plutôt comme des victimes de l'Histoire. Malgré les équivoques, tout sera fait pour conserver à ces hommes, morts sur de lointains champs de bataille, en majorité sur le front russe, leur place dans la communauté