Boris Vian : Le Chevalier de neige

Manuscrit autographe du spectacle de plein air de 1953Davantage attiré par le jazz que par la musique classique, Boris Vian ne s'ouvre que tardivement à l'opéra. Pour ses débuts dans cette voie, Jo Tréhard, le directeur du théâtre municipal de Caen, lui propose une œuvre inspirée du cycle de la Table ronde. La commande porte d'abord sur un spectacle de plein air, qui sera donné à Caen pendant la première quinzaine d'août 1953, avec une musique de Georges Delerue. Sa durée initiale de sept heures sera finalement réduite à quatre heures et demie. L'auteur se fixe sur l'histoire de Guenièvre et Lancelot, le "chevalier blanc", qui réunit tous les ingrédients nécessaires à une œuvre dramatique. Portée par les comédiens Jacques Dacqmine en Lancelot, Jean Martinelli en Gauvain et Silvia Monfort en Guenièvre, la pièce rencontre un vif succès, d'où l'idée de Marcel Lamy, directeur du Grand Théâtre de Nancy, d'en tirer un opéra : sa création, le 31 janvier 1957, est un triomphe. Vian n'y laisse que peu de place à son habituelle fantaisie et fait preuve d'une grande sobriété, dans le style comme dans la construction, conçue comme un découpage de film. Dans l'opéra, certains passages chantés plus rythmés, davantage composés selon le genre de la chanson, viennent rompre l'action et composer une atmosphère. Au cours de cette expérience arthurienne, Vian découvre le monde de la scène dramatique, explore les possibilités des danseurs, baladins et chanteurs pour ménager des transitions, et le rôle capital de la musique pour créer un dépaysement. Dictées par le destin, les amours de Lancelot et de la reine Guenièvre apparaissent exemptes de toute culpabilité, les deux amants pouvant ainsi être considérés comme les hérauts d'un amour parfait et pur. Au-delà des liens qui unissent Lancelot et Guenièvre, l'amour sous toutes ses formes reste d'ailleurs au centre de l'œuvre : celui de Guenièvre pour Artus ou celui d'Artus pour Lancelot ne dépérissent pas pour autant, la mort apparaissant comme le seul remède à ces rapports complexes