Tristano Corsiniano : Un Roman de Tristan en italien

Vénétie, vers 1370 Papier, 180 f. (2 col.), 297 x 202 mm (début du Tristan au 7 e f., numéroté 1) Filigrane : Briquet 1907, n° 3219, 3321 (Pistoia, Vérone-Vicence, vers 1370-1380) Provenance : entré à la Bibliothèque royale avec le fonds Rossi en 1786Au début du XIV e siècle, plusieurs textes témoignent du succès du Tristan en prose en Italie du Nord et, plus largement, de la diffusion des romans arthuriens en Vénétie auprès d'un public nouveau : on peut par exemple citer le Tristano Riccardiano (Florence, Biblioteca Riccardiana, 2543), le Tristano veneto (Vienne, ÖNB, Cod. 3325), la Tavola ritonda ou encore cette adaptation en dialecte vénitien connue sous le nom de Tristano Corsiniano, qui ne conserve qu'une partie du texte originel, entre l'arrivée de Tristan et Dinadan à la Joyeuse Garde et la fin du grand tournoi de Louvezerp. La plupart des manuscrits arthuriens écrits en français ou en franco-italien en Italie du Nord suggèrent une destination aristocratique ou aisée - cette constatation vaut d'ailleurs aussi pour les romans antiques comme le Roman de Troie , ou pour les chansons de geste. En revanche, les textes en italien s'adressaient sans doute à un public urbain et marchand. Dans le Tristano Corsiniano , l'épisode de l'attaque par Tristan de la cité du comte Agrippe, inconnu du modèle français, semble d'ailleurs refléter les guerres entre communes qui déchiraient alors l'Italie du Nord. Alors que l'illustration des manuscrits arthuriens copiés dans le Nord de l'Italie à partir du XIV e siècle est en général située dans la marge inférieure de la page, les deux artistes qui ont décoré le Tristano Corsiniano ont conçu des images s'inscrivant dans la partie supérieure de la colonne de texte. Le style réaliste des peintures, la rapidité d'exécution, l'intense expressivité des gestes, l'érotisme de certaines scènes (telle la rencontre de Tristan et Iseut, f. 5), semblent corroborer l'hypothèse d'un commanditaire marchand. L'armement des chevaliers ou la mode féminine présentent d'ailleurs une certaine analogie avec les fresques du palais Ricchieri à Pordenone (Frioul)