Mariage de Jupiter avec sa soeur Junon devant le temple de Cybèle. : Raoul Lefèvre, Recueil des histoires de Troie

Parchemin, A-K (prologue et table) + III + 325 f., environ 440 × 320 mm, 46 miniatures Provenance : Louis de GruuthuseLe Recueil des histoires de Troie compte parmi les rares titres de la littérature bourguignonne à connaître un succès s’étendant au-delà du cercle ducal. Raoul Lefèvre, prêtre et peut-être chapelain de Philippe le Bon, au sujet duquel il n’existe pas de données biographiques sûres, dédicace son oeuvre au duc de Bourgogne en 1464. Le projet littéraire connut plusieurs moutures. Le prologue annonçait quatre livres, chacun consacré à l’une des destructions de Troie. La version remise au duc, plus modeste, ne contenait que les deux premiers livres, mais avait pour nouvelle ambition de valoriser la figure d’Hercule qui, selon la légende, aurait détruit à deux reprises la ville dans le conflit qui l’opposait au roi Laomédon. Une version remaniée, enrichie d’un troisième livre, certainement ajouté après la mort de l’auteur, vers 1467, rapporte la destruction de Troie consécutive à l’enlèvement d’Hélène. Cet ajout, modifiant encore la physionomie de l’oeuvre, répondait, pour partie, au projet initial. Le manuscrit de Louis de Gruuthuse, comme la plupart des vingt-quatre autres exemplaires conservés, contient la version la plus fournie. La structure du volume confirme le caractère quasi autonome des parties. Chaque livre commence au début d’un cahier, et le dernier cahier des livres 1 et 2 est composé d’un nombre irrégulier de feuillets pour ne pas laisser de feuillets blancs dans le corps du volume. Les armoiries de Louis de Gruuthuse figuraient sur sept feuillets, notamment aux principales articulations de l’oeuvre : en tête de la table (f. A) et des trois livres (f. 1, 137, 238). Sur un autre feuillet, on trouve ses armoiries associées à celles de sa femme Marguerite de Borselen (f. 87). Toutes furent, plus tard, recouvertes par les armes de France au profit de Louis XII. Le Maître de la Chronique d’Angleterre exécuta trente-neuf des quarante-six miniatures, en particulier le frontispice, et réalisa le décor marginal de tous les feuillets illustrés. Il laissa au Maître du Hiéron les cinq premières miniatures du récit et à Philippe de Mazerolles les deux dernières. Cette répartition correspond à des lots de cahiers différents, même si la nécessité du partage laisse un peu perplexe. L’artiste qui illustra trois autres exemplaires du même titre donne à l’univers mythologique une traduction personnelle et puissante, mais étrangère à tout souci de restitution archéologique. Son style outrancier, propice à l’expression du drame, ses personnages à l’allure étrange peu naturaliste, aux physionomies colorées et grimaçantes, ou aux têtes hypertrophiées, s’accordent au récit des héros antiques, à leur quête démesurée et à leurs exploits fabuleux. Hercule trouve une incarnation crédible, même sanglé dans son armure médiévale. Il progresse d’une foulée large, qui lui est naturelle et nécessaire pour se hisser au rang de personnage surhumain. Et si son casque tombe parfois sur ses yeux, il n’en paraît que plus redoutable, le moulinet de ses bras armés d’une épée ou d’une gigantesque massue hérissée de picots semblant suffire à assurer sa victoire. Ses adversaires sont en proportion monstrueux et paraissent aussi bien effrayants que comiques. Le récit offre au miniaturiste l’occasion d’illustrer les scènes maritimes ou nocturnes dont il est friand. Sa vision du mariage de Jupiter avec sa soeur Junon, devant le temple de Cybèle (f. 34), révèle son talent de coloriste et de physionomiste.téléchargeabl