III-7 Emilia : Boccace (1313-1375), Décaméron

Parchemin, IV + 395 f., environ 415 × 300 mm, 100 miniaturesDéjà auteur d’une traduction du De casibus virorum illustrium , Laurent de Premierfait entreprit en 1411, à la demande du duc de Berry, une traduction du Décaméron , oeuvre alors moins connue de Boccace, à partir d’une version latine d’Antoine d’Arezzo. Un exemplaire de cette traduction, enluminé par le Maître de la Cité des dames, fut achevé en 1418 pour le duc de Bourgogne Jean sans Peur (Vatican, BAV, ms. Pal. lat. 1989). Il a servi de modèle très exact à ce Décaméron entièrement calligraphié par un copiste qui a signé, à la fin de la table : « explicit la table du transcripvain Guillebert de Mets, hoste de l’Escu de France à Gramont ». Des recherches dans les archives de Grammont apportent des informations nouvelles sur Guillebert de Mets, nom flamand signifiant « le maçon ». Né vers 1390-1391, il apparaît régulièrement à partir de 1420 dans ces archives et serait mort entre 1436 et 1439. C’est un notable, proche du duc de Bourgogne, très actif dans les milieux du livre et qui tient une auberge – on connaît plusieurs exemples de ces aubergistes faisant office de libraires et la mention « hôte de l’Écu de France » serait une sorte de réclame pour son officine. Guillebert de Mets aurait obtenu le prêt de l’exemplaire de Jean sans Peur pour en entreprendre une copie, peut-être pour le duc Philippe, quoique le manuscrit ne porte pas ses armes, soit que celui-ci ait voulu un exemplaire dans une écriture plus lisible, la bâtarde bourguignonne, avec des miniatures plus colorées et plus au goût du jour, soit pour disposer du même texte dans une autre de ses résidences. Marie-Hélène Tesnière, cependant, se basant sur la première miniature, sorte de scène de dédicace qui montre un abbé, avance l’hypothèse que la copie aurait pu être exécutée pour l’abbé de Grammont, pour lequel ce copiste avait déjà travaillé. Devenu abbé de Grammont en 1440, Adrien Kimpe, protégé du duc Philippe le Bon, lui aurait ensuite offert le manuscrit lors de sa visite de 1441. Bel exemple de la transition entre les modèles français et flamands, la décoration du manuscrit est l’oeuvre partagée de deux ateliers : celui dit des Maîtres de Guillebert de Mets, et celui dit du Maître de Mansel, qui l’ont enluminé concurremment entre 1430 et 1440. Outre le style personnel de chaque maître, chaque atelier se singularise par des traits bien particuliers. Les bordures exécutées dans le premier se signalent par leur richesse et leur inventivité, avec des drôleries et de larges acanthes aux coloris très différents, rose et bleu, d’inspiration italienne ; on y reconnaît l’influence de l’atelier parisien du Maître de Boucicaut. Celles qui sortent du second atelier sont relativement plus sobres, oeuvre d’un décorateur que l’on retrouve dans d’autres productions de cet atelier : rinceaux très fins enroulés avec des filaments piquetés de fleurettes, de feuillettes et de points d’or bruni, accompagnés de fines acanthes de couleurs vives, orangées, bleues et vertes. L’étude des miniatures, de la décoration marginale et des lettrines fait ressortir les difficultés rencontrées dans la décoration du manuscrit, avec le remplacement progressif d’un maître par un autre et même, au folio 128, l’intervention d’une troisième main. La raison pour laquelle, vers le tiers du volume, le premier atelier cesse finalement toute collaboration à l’entreprise vers le tiers du volume nous échappe. Si l’on ajoute à cette imbrication, la subsistance, sur quatre feuillets enluminés par le Maître de Guillebert de Mets, d’annotations en néerlandais, vestiges oubliés d’indications guidant l’enlumineur dans son travail et qui permettent de penser que l’artiste était néerlandophone, on découvre des aperçus très intéressants sur la pratique des ateliers. La présence du manuscrit est attestée en 1467-1469 dans la bibliothèque du duc de Bourgogne. Après un passage dans les bibliothèques des Croÿ, de Marguerite d’Autriche et de Marie de Hongrie, on le retrouve régulièrement cité dans les inventaires de la Bibliothèque de Bourgogne jusqu’en 1748, où le comte d’Argenson le fait entrer dans ses collections avant de le léguer à son neveu, le marquis de Paulmy.téléchargeabl