La Tempérance et l’Intempérance. : Valère Maxime, Faits et dits mémorables

Papier, XVIII + 244 f., environ 370 × 270 mm, 4 miniatures sur deux colonnes Provenance inconnueLes rares informations dont nous disposons concernant Valère Maxime nous sont parvenues par le biais de son oeuvre la plus fameuse, les Facta et dicta memorabilia . Contemporain de l’empereur Tibère (14-37), il écrivit au cours du I er siècle de notre ère une anthologie d’anecdotes moralisantes sans ordre chronologique précis qui connut un succès ininterrompu au Moyen Âge. Cette traduction commentée, les Faits et dits mémorables , fut entamée en 1375 par Simon de Hesdin, maître en théologie et chevalier de l’ordre de Saint-Jean, probablement pour le roi de France Charles V. La traduction s’interrompt au chapitre 4, livre 7, à la mort de Simon de Hesdin, survenue en 1383. Dix sept ans plus tard, Nicolas de Gonesse, à la demande de Jean de Berry, traduit les deux derniers livres et prend la suite de l’ouvrage – on en trouve l’enregistrement par son trésorier Jaquemin Courau – qu’il termine en 1401. Le texte latin avait déjà été imprimé à Strasbourg par Jean Mentelin avant le 15 juin 1470. Une première édition illustrée de la traduction en français, accompagnée de gravures sur bois, sortit de presse en 1485, à Lyon, par les soins de Mathias Huss. L’incunable (Paris, BNF, Réserve, Rés. Z. 200) est un exemplaire de l’ editio princeps (sans illustration), datée des environs de 1475, de la version française. Elle ne comporte aucune mention de lieu, de date, ni de nom d’imprimeur et a donc été attribuée à l’imprimeur du Flavius Josèphe, actif dans les Pays-Bas méridionaux et responsable notamment de quatre autres impressions : le De Bello Judaico de Flavius Josèphe, un Abrégé de la destruction de Troie , une Légende dorée de Jacques de Voragine et Le Temple de Mars de Jean Molinet. Le terminus ante quem de 1477 fut établi à partir d’une note manuscrite figurant sur une copie conservée à Washington (LC, Lessing J. Rosenwald Collection, Incun. 1477.V.33 [Rosenwald 516]). Cette édition comportait deux volumes. Le premier feuillet de chacun des neuf livres comporte un espace vierge qui permettait au propriétaire d’ajouter une illustration dans une justification tracée à la plume. Dans le second volume, le premier folio du livre 8 et sa miniature manquent (Paris, BNF, Réserve, Rés. Z. 201, f. 108.). Il figurait vraisemblablement au verso de la fin du livre 7. On a suggéré que cet incunable ainsi que son décor auraient servi de modèle à une copie manuscrite exécutée vers 1480 par Colard Mansion pour Philippe de Hornes, seigneur de Gaasbeek (Paris, BNF, Ars., mss 5194-5195). On ignore pour qui cet incunable fut illustré mais la devise n atans demain et les initiales ESI se répètent de manière récurrente sur les bordures. Ces lettres pourraient désigner le premier possesseur. Des recherches antérieures suggèrent un mécène brugeois comme destinataire de cette copie. Néanmoins les restes de la reliure originale portant le nom de Jan Guillebert (Meese), lui-même brugeois, conservés dans la reliure du XVIII e siècle de notre exemplaire, ne constituent pas une preuve suffisante pour localiser ce premier propriétaire. Le Maître du Livre de prières de Dresde fut impliqué dans la décoration de nombreux exemplaires du Valère Maxime. Ainsi, l’emplacement des illustrations, en particulier dans le premier volume de la copie en deux volumes exécutée pour Jean III Gros, trésorier de l’ordre de la Toison d’or (1434-1484) (Leipzig, UBL, ms. Rep. I 11 b) et attribué au Maître du Livre de prières de Dresde, rappelle la composition du très bel exemplaire du Valère Maxime exécutée par le Maître d’Antoine de Bourgogne pour le Grand Bâtard (Berlin, SBPK, ms. Dépôt Breslau 2). Ces deux maîtres sont connus pour avoir travaillé ensemble, notamment aux livres 3 et 4 des Chroniques de Froissart de Louis de Gruuthuse. Probablement peu après l’achèvement du décor de l’incunable conservé à Paris et d’un second incunable contenant le même texte conservé à Bruxelles (KBR, Inc. C 176 LP), le Maître du Livre de prières de Dresde réalisa, vers 1475-1480, les illustrations d’une copie manuscrite du texte, cette fois pour Jean Crabbe, abbé des Dunes (Bruges, BG, ms. 159/190-157/188). Dans cet exemplaire, deux folios manquent au début du second et du neuvième livre. La miniature représentant la Tempérance et l’Intempérance se trouve à présent à Los Angeles (JPGM, ms. 43). Le même sujet dans l’incunable montre une composition similaire (f. 85). Des effets spéciaux sont obtenus grâce à l’emploi généreux de rouge dans la draperie placée derrière les personnages et dans le saisissant portail exécuté en noir. Non moins remarquable est l’absence volontaire de pigments ici et là, pour obtenir dans la draperie un effet lumineux qui provienne du support lui-même, par exemple dans la robe de la femme proche du spectateur à la table des Intempérants. La manière de définir les formes anticipe la technique des aquarellistes du XIX e siècle. Quoique la composition du décor du livre 3 soit semblable aux enluminures de l’exemplaire exécuté pour Jean III Gros, les protagonistes sont placés plus près du spectateur, comme ils le sont dans la plupart des miniatures des volumes exécutés pour Jean Crabbe, la dernière des copies du Valère Maxime enluminées par le Maître du Livre de prières de Dresde.téléchargeabl