Marie Madeleine. : Évangéliaire à l’usage d’Amiens

Parchemin, II + 182 (+ 1) + II f., environ 284 × 208 mm, 15 miniatures Provenance : Antoine Clabault et Ysabel FauvelCet évangéliaire forme avec l’épistolaire (Paris, BNF, Ars., ms. 662) un lectionnaire richement décoré. Au bas de la bordure de chaque folio enluminé figure au moins un écu, tenu par des hommes et des femmes sauvages ou par des anges portant des armoiries de sinople à l’escarboucle pommetée d’or, au franc-quartier de sable à la croix ancrée d’argent . Certains écus (f. 11, 17 v o , 110) sont partis d’azur à la croix d’argent cantonnée de quatre étoiles d’or . Ce sont ceux d’Antoine Clabault, seigneur de Linceu et bourgmestre d’Amiens et d’Ysabel Fauvel qu’il avait épousée en novembre 1464. Entre 1410 et 1500, des membres de sa famille assumèrent vingt-trois fois la charge de maïeur, lui-même décéda subitement en juillet 1503 à la suite de son quinzième mandat ; son beau-frère, Nicolas Fauvel, lui succéda. Un manuscrit conservé aux Archives départementales de la Somme et intitulé Recherche de tout ce qui s’est passé de plus considerable touchant l’établissement de l’eglise Saint- Firmin-le-Martir ditte à la Porte d’Amiens… mentionne dans le compte des marguilliers de 1505 que le maïeur d’Amiens, sire Antoine Clabault, offrit deux magnifiques livres « […], l’un pour chanter les évangiles où est notre Seigneur J.-C. en croix […] ». Les deux manuscrits ont pu être offerts par Léonore du Caurel, seconde femme de Clabault. Si un terminus ante quem pour les deux codices peut être certainement fixé à 1503, date du décès de l’époux, il est probable que les volumes étaient déjà achevés le 25 mai 1493 à l’occasion de son second mariage. On peut encore préciser cette datation. La décoration des deux manuscrits remonte peut-être aux dernières années de 1480, avant le décès d’Ysabel Fauvel en 1490. Sa mort inattendue pourrait expliquer l’intervention d’un second artiste engagé pour accélérer et terminer le projet. En effet, il est probable qu’Antoine Clabault ait commandé, avant son second mariage, ce manuscrit présentant ses initiales entrelacées avec celles de sa première épouse et leurs armoiries parties à l’occasion. Ceci situerait donc l’exécution et l’achèvement de l’ouvrage entre la fin des années 1480 et les premières années de 1490, et expliquerait les légères différences observées dans l’écriture et le décor des volumes. On pourrait alors intégrer ce manuscrit à l’oeuvre du Maître du Livre de prières de Dresde, dont l’activité à Amiens débuterait quatre ou cinq ans plus tôt. Ceci rejoindrait l’estimation de la date aux alentours de 1490 suggérée auparavant par Nicole Reynaud pour l’attribution du second volume à un artiste local. L’ Évangéliaire Clabault serait alors, non le dernier, mais une des premières oeuvres de la production amiénoise de l’artiste, à placer peut-être après sa contribution au cartulaire de Tournai (BV, ms. 4 A), dont une bordure porte la date de 1489 et dans lequel il exécuta une grande miniature au f. 4. Plutôt que d’attribuer les miniatures du présent lectionnaire au Maître du Livre de prières de Dresde, on pourrait penser à un de ses proches suiveurs. Bodo Brinkmann lui-même a observé un écart considérable entre le style de la période amiénoise et celui des travaux antérieurs. Néanmoins de nombreuses miniatures portent son empreinte caractéristique. D’autres recherches ultérieures révéleront peut-être que le Maître du Livre de prières de Dresde a été appelé en cours de travail, principalement pour superviser celui-ci. Les deux volumes diffèrent par leurs écritures et leurs surfaces écrites. Si le décor secondaire des petites initiales présente de nombreuses similitudes, les bordures colorées en noir, rouge et vert, plus fréquentes en France, sont beaucoup moins impressionnantes dans le second volume. Cet artiste a utilisé moins de brillant et a laissé peu d’espace autour du décor marginal. Dans la Mort de la Vierge (f. 156), la position du lit et des apôtres qui l’entourent est la réplique en miroir d’un tableau attribué à Petrus Christus (San Diego, TMA, Putnam Foundation Collection, inv. n o 1951.001) datant du milieu du siècle environ. Le Maître de la Bible de Lübeck, qui travailla de concert avec le Maître du Livre de prières de Dresde pour les Heures de Spinola vers 1515, exécuta pour ces heures une composition similaire (Los Angeles, JPGM, ms. IX 18, f. 247 v o ). Dans une grande miniature de présentation de la Légende dorée de Cambridge (FM, ms. 22, f. 2), les physionomies des personnages sont très proches de celles du Lectionnaire Clabault , particulièrement dans l’Extase de Marie Madeleine (f. 153 v o ). Les rameaux s’enroulant autour des miniatures et des bordures sont typiques du travail du Maître du Livre de prières de Dresde et se retrouvent dans le Bréviaire d’Isabelle de Castille (Londres, BL, ms. Add. 18851). En outre deux compositions dans ce dernier manuscrit évoquent fortement deux miniatures de l’ Évangéliaire Clabault .téléchargeabl