Avalappoq, prendre la mer et danser : migrations étudiantes et formation des positions dominantes entre Groenland et Danemark

This Ph.D. thesis deals with the construction of student trajectories unfolding in the postcolonial configuration between Greenland and Denmark. Based on a survey combining mainly participant observation and interviews, it traces the biographies of Greenlandic students through a school system forged by the power relations inherited from Danish colonization and built on the dispersion of the educational offer. The thesis shows that far from being dedicated to social sorting, this educational-migratory apparatus also constitutes a transforming apparatus of individuals, which works towards the upper regions of the transatlantic social space. Therefore, it unsettles the picture of student migration as a privilege around two axes. Considering the pre-migratory characteristics of individuals, it shows the heterogeneity of the social origins of those studying in Denmark and highlights the significance of social breakers on the routes of this migration. The material and moral support provided by the Greenlandic authorities explains this variety. Indeed, they see the technical function of the educational system in producing qualifications as a political strategy for achieving independence. The second axis reinscribes this migration in the global asymmetries of racial formations. It analyzes the role of student migration in making racial boundaries, associating Danishness and whiteness, on the one hand, and Greenlandicness and Inuitness, on the other hand, through everyday interactions with the majority population and in school placements. However, student migration also provides the conditions for destabilizing the minority position. It does alter not only the location in class relations but also the position in race relations. Analyzing how students are perceived and perceive themselves during the student migration journey, the thesis highlights the racially coded dimension of socially valued acquisitions specific to student migration (ways of behaving and perceiving the world, linguistic dispositions, or even some tastes). Thus, drawing on Bourdieusian theories of social reproduction, the analytical nexus of coloniality, and recent work on racial socialization, this thesis takes the counterpoint of the analysis of the formation of racial boundaries in migration. Often imagined as (re)producing or solidifying these racial boundaries, this doctoral research shows that the postcolonial educational-migratory apparatus shapes the conditions of their (re)production as well as the conditions of their unsettlingCette thèse porte sur la construction des trajectoires étudiantes dans la configuration postcoloniale entre Groenland et Danemark. S’appuyant sur une enquête combinant essentiellement observation participante et entretiens, elle retrace les biographies d’étudiant·e·s groenlandais·e·s à travers un système scolaire forgé par les rapports de force hérités de la colonisation danoise et bâti sur la dispersion de l’offre de formation. Elle montre que loin de n’être dédié qu’au tri social, ce dispositif scolaro-migratoire constitue également un dispositif de transformation des individus, qui travaille vers les régions supérieures de l’espace social transatlantique. Elle déstabilise ainsi l’image de la migration étudiante comme privilégiée autour de deux axes. En prenant en compte les caractéristiques prémigratoires des individus, elle montre l’hétérogénéité des origines sociales de celles et ceux s’orientant vers une formation au Danemark, et le poids des transclasses sur les routes de cette migration. Cela s’explique notamment par l’encadrement matériel et moral affirmé par les pouvoirs publics groenlandais, qui voient dans la fonction technique de production de qualifications du système éducatif une stratégie politique de concrétisation de l’indépendance. Le deuxième axe réinscrit cette migration dans les asymétries globales des formations raciales. Il analyse le rôle de la migration étudiante dans la construction de frontières raciales, associant danicité et blanchité d’une part, et groenlandité et inuité de l’autre, dans les interactions quotidiennes avec la population majoritaire et dans les placements scolaires. Toutefois, la migration étudiante offre également les conditions d’une déstabilisation de la position minoritaire, non seulement dans les rapports de classe, mais également dans les rapports de race. La thèse met en évidence la dimension racialement codée des acquisitions socialement valorisées propres à la migration étudiante (façons de se comporter et de percevoir le monde, dispositions linguistiques ou encore certains goûts), à travers l’étude de la façon dont les étudiant·e·s sont perçu·e·s et se perçoivent pendant leur parcours. Ainsi, en s’appuyant sur les approches bourdieusiennes de la reproduction, sur le nexus analytique de la colonialité et sur les travaux récents sur la socialisation raciale, cette thèse prend le contrepoint de l’analyse de la formation des frontières raciales en migration, qui sont souvent envisagées comme (re)produisant ou solidifiant ces frontières raciales : ces dernières trouvent dans le dispositif scolaro-migratoire postcolonial les conditions de leur (re)production comme les conditions leur mise en crise