La conquête de l’éloquence au Québec. La Rhetorica in Seminario Quebecensi (1774) de Charles-François Bailly de Messein

Depuis quelques années, de nombreux travaux n'ont pas manqué de mettre en lumière le caractère militant des lettres québécoises dans le dernier tiers du xviiie siècle. Cependant, l'on ne s'est guère intéressé jusqu'à ce jour à la théorie du discours polémique qui leur est contemporaine. À cet égard, le cours manuscrit de la Rhetorica in Seminario Quebecensi (1774) de Charles-François Bailly de Messein offre un exemple significatif. Cette Rhetorica doit être comprise comme une « rhétorique de l'esprit », c'est-à-dire comme une rhétorique fondée sur l'idéal oratoire d'une prose vive et savante dans sa concision. À ce titre, elle suppose à la fois une théorie de la figure associant étroitement celle-ci à l'argumentation, et une pratique de la sententia, sorte d'unité minimale du discours persuasif qui, en français, signifie aussi bien « trait ingénieux » qu'« argument figuré ».Over the past few years, many studies have emphasized the militant nature of Québec letters in the last third of the eighteenth century. However, little attention has been paid so far to the theory of polemical discourse formulated during the same period. This article deals with Charles-François Bailly de Messein's manuscript course, Rhetorica in Seminario Quebecensi (1774). The Rhetorica should be seen as a "rhetoric of the mind," i.e., a rhetoric based on the oratorical ideal of a lively, erudite and concise prose. Such a rhetoric implies both a theory of the figure, which is closely tied to argumentation, and the practice of sententia, a minimum unit of persuasive discourse which, in French, means both "ingenious saying" and "figurative argument.