L’altérité menaçante des usagers de drogue en Argentine

International audienceE n Amérique latine, la drogue, sous tous ses aspects et formes, de la consommation au commerce, est au centre de la question sécuritaire. La « guerre à la drogue » a permis de charger de nouvelles significations un imaginaire sécuritaire archaïque, qui renvoie aux pratiques agissant sur les frontières qui séparent les êtres humains. En Argentine, la guerre à la drogue a dessiné une nouvelle spatialité sociale, une frontière non seulement symbolique, mais aussi physique, qui permet la construction d'un Autre menaçant. Nous assistons au retour de l'idéologie qui associe les classes populaires aux classes dangereuses et stigmatise particulièrement la délinquance juvénile. Cette forme de délinquance, loin d'être inconnue, fait partie d'un passé qui ne passe pas. Au xxi e siècle, les traces de l'Histoire se révèlent appropriées à la coercition et à la punition propres à la logique de la politique de prohibition. L'Autre « social » demeure aujourd'hui, comme hier pendant la Guerre froide, l'Autre « politique », un sauvage. Les discours de dévalorisation et les pratiques d'éradication qui accompagnent la guerre à la drogue, témoignent cependant de quelque chose de plus que la continuité de la guerre contre la subversion. Comme dans d'autres géographies, la drogue est associée à une étrangeté menaçante qui doit être lue comme un palimpseste. Il faut donc considérer cette altérité négative comme une construction sociale pérenne que les innovations expérimentées sur tout le continent américain pour reformuler l'abord du problème et, • Edgardo Manero travaille au cnrs/Ehess-Mondes Américains