Leadership religieux, champ politique et vérité au Mali. L’exercice populaire de la critique publique chez Ançar Dine

Over the last few months, the Malian political situation has offered us an unprecedented, if not staggering, sequence in the national political game, through the emergence of an opposition that is both from below and outside the field: from below, insofar as it is (or aims to be) not only popular, but also outside the parties of the institutional opposition represented in the National Assembly; outside the field too, insofar as the leadership of this opposition is embodied by religious figures who - and this is where this sequence is unprecedented - have the street praying around the Independence Monument and are now demanding the resignation of the President of the Republic.Over and above the excellent political analyses that have documented the accelerated mutation of the Malian religious sphere, this paper will examine the ideological dimension of this transfer of competences from the political field, through a questioning of the regimes of moral legitimacy. To this end, we will characterize the relationship between religious leadership, the political field and "truth", based on the rhetoric of the Islamic movement Ançar Dine, which, for thirty years, has been forged outside the mosques and criticized both the religious and civil powers. At least until its spiritual guide, Chérif Ousmane Madani Haïdara, was elected president of the High Islamic Council of Mali in 2019, thus moving from the social opposition of the religious to the religious institution of the social.Depuis ces derniers mois, la conjoncture politique malienne nous offre une séquence inédite, sinon sidérante, du jeu politique national, à travers l’émergence d’une opposition à la fois par le bas et hors champ : par le bas, pour autant qu’elle est (ou se veut) non seulement populaire, mais aussi hors des partis de l’opposition institutionnelle représentée au sein de l’Assemble nationale ; hors champs également, dans la mesure où le leadership de cette opposition est incarné par des figures religieuses qui, et c’est en cela que cette séquence est inédite, font prier la rue autour du monument de l’indépendance et exige désormais la démission du président de la République.Au-delà des excellentes analyses politiques qui ont rendu compte de la mutation accélérée de la sphère religieuse malienne, cette communication interrogera la dimension idéologique de ce transfert de compétences du champ politique, à travers un questionnement des régimes de légitimité morale. Pour cela, on caractérisera la relation entre leadership religieux, champ politique et « vérité », à partir de la rhétorique du mouvement islamique Ançar Dine qui, depuis trente ans, s’est forgée hors des mosquées et a porté la critique envers les pouvoirs religieux et civils. Tout au moins jusqu’à ce que son guide spirituel, Chérif Ousmane Madani Haïdara, soit élu en 2019 président du Haut Conseil Islamique du Mali, passant ainsi de l’opposition sociale du religieux à l’institution religieuse du social