Interprètes et compositeurs : les membres du petit chœur entre Lully et Rameau

Performers and composers: the members of the petit choeur between Lully and Rameau Few historical anecdotes have been more popular, especially among string players, than after-the-fact reports that Haydn and Mozart occasionally took part in string quartets together-Haydn playing the first violin, and Mozart the viola. This story's popularity might be due to a certain understanding of these composers' "greatness"; since their works were among the first to never have been forgotten (along with some of Handel's sacred works in England), and they were remembered as the first great musical geniuses, whom Hoffmann qualified as "romantic," the public does not expect them to have been involved in the performance of their works at all, much less to have done so together, since they were amateur string players. Great composers from the romantic and post-romantic eras were expected, at most, to conduct their own works; even the fact that Haydn, Mozart and Beethoven would have done so from the keyboard can still come as a surprise to a nonspecialist. Retrospectively, Lully fits rather well in this picture: a director and an entrepreneur, he may be best known for his death, which, according to the legend, was caused by his overly energetic conducting. 1 But one rarely thinks of opera composers from the French classicalOn sait que les opéras français de la fin du XVIIe et du début du XVIIIe siècles, avant la révolution Rameau, partagent une même esthétique, fondée sur l’imitation des œuvres canoniques de Quinault et Lully, qui constituent le cœur du répertoire. Mais cette esthétique commune ne résulte pas seulement de la nécessité, pour les compositeurs, de se conformer au cahier des charges d’une production opératique ou au goût du public : elle se forge, soir après soir, dans l’orchestre, plus précisément dans le petit chœur. C’est en effet parmi l’élite des interprètes de l’Académie royale de musique que se recrutent une majorité de ceux qui ont composé pour l’institution : plus de la moitié des nouveaux opéras, entre Lully et Rameau, ont été composés par des batteurs de mesure (Collasse, Marais, Lacoste, J.-F. Rebel), des instrumentistes du petit chœur (Gatti, Marais, La Barre, J.-F. Rebel, Bertin de La Doué, Montéclair) et des acteurs chantants (Lacoste, Bouvard, Bourgeois). Inversement, l’institution a aussi recruté des compositeurs à succès comme batteurs de mesure (Campra) ou comme administrateurs (Campra, Destouches). Nous analyserons les dynamiques de collaboration et d’émulation qui animaient ce groupe d’interprètes-compositeurs, qui se côtoyait tous les jours, de manière très concrète, au centre de l’orchestre, s’opposant à des outsiders heureux ou malheureux tels que Charpentier, Gervais, Stuck ou Mouret, dont les personnalités lyriques tendirent à s’affirmer sous la bannière de la musique italienne, ou plutôt celle de la réunion des goûts