Du mythe à la réalité. Essai de déconstruction des discours coloniaux et postcoloniaux sur le village viêtnamien

Est-ce que le village traditionnel viêtnamien constitue une unité sociale fondamentale ? A la lecture de la plupart de discours savants, français ou viêtnamiens, de la période coloniale et au-delà, on pourrait le croire. A bien des égards, le Viêt Nam nous est restitué comme une nation de villages. Chaque village constitue en quelque sorte une cellule unique, distincte, formant une communauté organique, compacte, autonome, autarcique, farouchement attachée à son indépendance, profondément orientée par la tradition, structurée par un puissant sentiment d'appartenance. Par un effet miroir, chaque village déploie donc la société tout entière, il en est le microcosme primordial. Après avoir reconstitué le débat européen du XIXe siècle qui a imposé son lexique politique à la manière dont fut appréhendée la réalité villageoise viêtnamienne, je montrerai que la communauté villageoise n'est pas un donné simple. Il faut au contraire la construire comme un cadre dont les frontières administratives, physiques, sociales et symboliques ne vont pas de soi