L’articulation mélodico-rythmique du tenor dans les motets isorythmiques post-Machaut

While interest in the poetic-musical dimension of the isorhythmic motet has renewed analytical approaches in recent decades, it has also highlighted the disparate nature of the polyphonic genre, divided between the lyricism of the upper voices and the rationality of the tenor. Although the triplum and the motetus have emancipated themselves from the mathematical constraints usually imposed on the motet, the lower voice remains assimilated in musicological literature to an art that is more combinatorial than truly musical. The distinction between figures and sounds - in principle, talea and color are considered separately - presupposes a fragmented composition, devoid of sensitive interactions between rhythm and melody. Although Fuller and, more recently, Hartt have occasionally emphasized Machaut's attention to the temporality of certain tenores, this is usually confined to cadential passages. One of the reasons for this lies in the corpus studied: the simplicity of the Ars Nova taleae offers few moments on which to cast a conclusive analytical eye. At this point, the later repertoire (1370-1420), with its longer cantus firmi and perfected rhythmic configurations, allows us to explore the articulation of the tenores. In several cases, the matching of taleae and colores is in fact a matter of elementary melodic-rhythmic relationships. The aim of this paper is to show that tenor figures depend in part on the melody and its organization, following preconceived patterns that can be found throughout the post-Machaut corpus, from the motets of the Chantilly Codex to the most recent examples of the French tradition in Grenon or Carmen.Si, depuis quelques décennies, l’intérêt pour la dimension poético-musicale du motet isorythmique a renouvelé les approches analytiques, il a aussi mis en évidence la nature disparate du genre polyphonique, partagée entre le lyrisme des voix supérieures et la rationalité du tenor. Tandis que le triplum et le motetus s’émancipent de l’habituel carcan mathématique attribué au motet, la voix inférieure demeure dans la littérature musicologique assimilée à un art plus combinatoire que proprement musical. La distinction des figures et des sons – par principe, talea et color s’observent individuellement – suppose une composition morcelée, dénuée d’interactions sensibles entre le rythme et la mélodie. Bien que Fuller ou plus récemment Hartt aient occasionnellement souligné le soin accordé par Machaut à la temporalité de certains tenores, celui-ci se limite le plus souvent à des passages cadentiels. L’une des raisons dérive notamment du corpus étudié : la simplicité des taleae de l’Ars Nova offre peu de moments sur lesquels porter un regard analytique concluant. C’est à ce stade que le répertoire plus tardif (1370-1420), par la longueur des cantus firmi et le perfectionnement de leurs configurations rythmiques, permet d’explorer davantage l’articulation des tenores. Dans différents cas, l’adéquation des taleae et colores relève en réalité de procédés élémentaires en matière de rapport mélodico-rythmique. Cette communication aura ainsi pour objectif de démontrer que les figures du tenor s’avèrent en partie dépendantes de la mélodie et de son organisation, suivant des motifs préconçus retrouvés dans l’ensemble du corpus post-Machaut – des motets du codex Chantilly aux derniers exemples de tradition française rencontrés chez Grenon ou Carmen