D’un corps à l’autre, le genre sexuel en question dans les poésies française et québécoise depuis 1990

Cette thèse étudie la représentation du genre sexuel et sa mise en question dans six œuvres poétiques contemporaines québécoises et françaises. Elle expose comment le motif du corps constitue dans le poème l’empreinte à la fois d’une chair modelée par l’identité sexuelle et d’un corps neutre, signe de déprise lyrique. Le premier chapitre interroge l’articulation entre poésie et genre sexuel dans une approche féministe et poétique, visant à comprendre selon quelles modalités l’émergence d’un sujet éthique – fidèle à une circonstance d’écriture (Jarrety, 1996) – est possible en poésie et à montrer que le corps en signifie l’expression sensible (Pinson, 1995 ; Collot, 1997 ; Maulpoix, 2009). La performativité du poème (Rabaté, 1996 ; 2013 ; Combe, 1996) répond à la performativité au coeur du constructivisme social (Butler, 1990 ; 1993 ; 2004) : le corps genré se matérialisant dans le poème est redevable à un processus énonciatif imprégné de normes, que l’écriture poétique cherche à resignifier. À ce parcours théorique succèdent trois chapitres d’analyse de textes. Les corps masculins dans Peau d’Antoine Emaz (2008) et dans Des ombres portées (2000) de Paul Chanel Malenfant témoignent d’une délicate perméabilité, qui octroie la réalité la plus tangible à l’émotion. Les écritures des chairs au féminin de Dormans (2006) de Marie Étienne et de Musée de l’os et de l’eau (1999) de Nicole Brossard engagent un mouvement existentiel qui dépersonnalise l’écriture et invite à toucher l’intime porosité du soi. Enfin, Cœurs, comme livres d’amour (2012) d’Hélène Dorion et en laisse (2005) de Dominique Fourcade présentent des corps qui empêchent la cristallisation de l’ordre binaire de la différence sexuelle. Cette thèse met en valeur la tendance de la poésie contemporaine à mettre en dialogue la pensée de l’identité, ici figurée par le genre sexuel, et la recherche d’intersubjectivité.Ph.D.2020-11-19 00:00:0