Raconter la Guerre dans la Littérature Contemporaine : éthique d’une poétique

Cette thèse étudie la poétique instaurée par le récit littéraire pour raconter la guerre telle qu’elle se déroule à l’époque contemporaine. Les textes de théâtre Littoral (1999) et Incendies (2003) de Wajdi Mouawad et Cendres sur les mains (2002) de Laurent Gaudé, et les romans Zone (2008) de Mathias Énard, Les Événements (2014) de Jean Rolin et Écoutez nos défaites (2016) de Laurent Gaudé permettent d’y explorer quelles stratégies la fiction déploie pour surmonter les difficultés que suscite le thème de la guerre, qui renvoient toutes de près ou de loin au danger de fausser la mémoire d’un événement historique traumatisant pour des collectivités. L’objectif de cette étude est d’offrir une description et une analyse des univers sémiotiques créés par ces constructions narratives et de commenter leur valeur éthique et heuristique. Le premier chapitre fait ressortir le caractère interrelié des considérations narratologique et philosophique qui sous-tendent l’ensemble de la thèse, soit l’esthétique du récit, suivant des théoriciens comme Gérard Genette, Jean-Marie Schaeffer, Michael Riffaterre, Jean-Pierre Esquenazi, Dominique Maingueneau et Paul Ricœur, et l’éthique, de Wayne Booth à Martha Nussbaum, en passant par Jacques Bouveresse et Pierre Macherey. Les trois chapitres subséquents rassemblent autour d’axes directeurs l’analyse narratologique, thématique et stylistique des œuvres du corpus. Le premier axe est celui de la transmission, explorée dans le chapitre 2. L’épistémologie des sciences historiques, le devoir de mémoire, des tactiques d’immersion fictionnelle et des indices de réflexivité y apparaissent comme autant de façons pour les récits de guerre d’assumer leur fonction indéniablement transitive. L’axe de la transgression est appréhendé au chapitre 3 sur le plan narratif, occasion de mesurer la portée du comique, de l’euphémisme et de l’horreur pour parler de la guerre, sur le plan institutionnel, où est jaugé le poids de tradition littéraire et de l’éthos auctorial, et sur le plan moral, où est effectuée une réflexion sur la responsabilité et sur la culpabilité. Le chapitre 4 porte sur la transposition. Il examine la façon dont les œuvres manient les récits traditionnels, les symboles, l’agentivité et la question des morts pour traduire l’expérience contemporaine de la guerre dans le langage. This dissertation studies the poetics established by the literary text to narrate war as it unfolds in contemporary times. Through the plays Littoral (1999) and Incendies (2003) by Wajdi Mouawad, Cendres sur les mains (2002) by Laurent Gaudé, and the novels Zone (2008) by Mathias Énard, Les Événements (2014) by Jean Rolin and Écoutez nos défaites (2016) by Laurent Gaudé, the study explores the strategies employed in fiction writing to overcome the difficulties inherent to the subject of war, which always, directly or indirectly, risks the danger of distorting the memory of a historical event which was traumatizing to a collectivity. The objective of this study is to provide a description and an analysis of the semiotic universes created by these narratives constructs, and to comment on their ethical and heuristic value. The first chapter explores the interrelated nature of the narratological and philosophical considerations underlying the study, namely the aesthetics of narrative, as theorized by Gérard Genette, Jean-Marie Schaeffer, Michael Riffaterre, Jean-Pierre Esquenazi, Dominique Maingueneau and Paul Ricœur, and ethics, from Wayne Booth to Martha Nussbaum through Jacques Bouveresse and Pierre Macherey. The three subsequent chapters contain detailed narratological, thematic, and stylistic analyses of the primary works under consideration along three main axes. The first axis is that of transmission, examined in Chapter 2. The epistemology of historical sciences, the concept of the “duty to remember,” fictional immersion tactics and reflexivity indicators all appear in this chapter as ways for the war narrative o acknowledge its undeniable transmissive function. Chapter 3 analyzes the axis of transgression on the narrative plane to measure the possibilities of comedy, euphemism and horror to tell the story of war; on the institutional plane to gauge the weight of the literary tradition and of the author’s ethos; and on the moral plane to reflect on responsibility and guilt. Chapter 4 is about transposition. It details the way in which works of fiction employ traditional stories, symbols, agency, and matters surrounding the dead to translate the experience of the contemporary war into language.Ph.D