Un réexamen du concept de « vulnérabilité » pour la recherche et la prévention du VIH/SIDA

Les termes «vulnérable» et «vulnérabilité» sont utilisés de plus en plus fréquemment dans le champ du sida tant dans le cadre de la recherche en sciences sociales que de la prévention. Cependant, certaines difficultés surgissent lorsqu’il est question d’appliquer le concept de vulnérabilité à des situations concrètes au cœur desquelles des individus ou des groupes se trouvent davantage exposés au VIH. Un travail de clarification mérite donc d’être accompli, sans quoi le concept de vulnérabilité risque de perdre sa capacité heuristique et sa pertinence politique et pratique. La première partie de cet article est consacrée à présenter la «matrice heu- ristique de la vulnérabilité» qui a été employée lors de recherches anté- rieures auprès de personnes séropositives et malades du sida et à en extraire trois niveaux d’intelligibilité, à savoir, le niveau de la trajectoire socia- le, puis le niveau où deux ou plusieurs trajectoires se croisent et enfin le niveau du contexte social. Chacun des éléments appartenant à ces trois niveaux nécessite une description objective et subjective. Puis, les proces- sus de construction identitaire sont proposés en tant que points particuliers d’observation et de «cristallisation» des différents niveaux pris dans leur ensemble. La deuxième partie de cet article passe en revue les différentes définitions et applications du concept de vulnérabilité dans d’autres domaines, notam- ment ceux des catastrophes naturelles, de la famine et de la santé menta- le, en prêtant une attention particulière aux points essentiels du débat qui agite ces domaines. Quelques concepts souvent associés à la vulnérabilité sont également mis en lumière, tels que la victimisation, l’insécurité et le risque. La troisième partie est un résumé de la manière dont les auteurs voient la vulnérabilité comme un concept pertinent pour le travail d’élucidation des processus sous-tendant la prise de risques et la conception de pro- grammes d’intervention. L’accent est mis sur l’importance d’analyser les différences entre individus, la variabilité au cours de la vie et la dimension relationnelle de toute vulnérabilité sociale