L'Union Européenne: quelle cohésion économique et sociale?

Contrairement à l’approche planificatrice de Monnet lors de la mise en place de la CECA, le paradigme économique sous-jacent du Traité de Rome établissant la CEE et le Marché Commun s’est plus inspiré de l’ordo-libéralisme et des raisonnements des écoles marginalistes. La philosophie inhérente au Traité de Rome prévoyait que la convergence économique entre les différents Etats membres se réaliserait par les forces du marché au fur et à mesure que les entraves institutionnelles à la libre circulation des biens, services et facteurs de production seraient supprimées par la construction européenne. Un marché européen bien intégré réaliserait une égalisation des niveaux de développement économique et de vie des différents Etats membres. De nombreuses théories économiques mettaient pourtant en doute ce phénomène de convergence automatique qui accompagnerait une meilleure intégration du marché, insistant sur l’existence des phénomènes d’agglomérations industrielles (business clusters), de districts marshalliens et de rendement croissants dans les activités de recherche et de développement qui pouvaient engendrer une captation des activités à haute valeur ajoutée procurant de hautes rémunérations par certaines zones géographiques spécifiques qui resteraient ainsi plus développées que des régions économiquement périphériques par rapport à ces zones de centres économiques. Dès la fin des années 1960 la Commission réalise la lenteur de la convergence économique attendue entre les différentes régions de la CEE, ce qui la pousse à soutenir la mise en place d’une politique régionale de cohésion et des fonds structurels. Cependant malgré une croissance significative entre les années 1970 et 2000, les fonds structurels européens n’ont pas été suffisants pour assurer une convergence dans l’ensemble des régions de l’UE. Les élargissements vers la Méditerranée et l’Europe de l’Est se sont traduits par l’entrée d’économies nationales beaucoup moins avancées et disposant de peu ou d’aucuns districts marshalliens de hautes technologies et, pour les nouveaux membres de l’Europe de l’Est de systèmes sociaux et fiscaux beaucoup plus néolibéraux que ceux des anciens Etats membres. Dans ces conditions, le démantèlement des entraves à la liberté des mouvements de capitaux et des travailleurs a permis aux multinationales des anciens Etats membres de faire jouer la concurrence sociale et fiscale, modifiant durablement le partage de la création de richesse au sein des Etats membres entre salariés fortement taxés et grands actionnaires proportionnellement peu taxés. Parallèlement, la liberté des mouvements de capitaux entre des économies de niveaux de développement très hétérogènes a engendré des phénomènes de renforcement des dettes privées (Irlande, Hongrie, Espagne) et publiques (Grèce, Italie) soutenus par un secteur financier dérégulé. Ce développement a engagé des Etats Membres à adopter des modèles de croissance insoutenables qui se sont effondrés lors de l’irruption de la crise financière globale. La récession et les politiques d’austérité qui s’en sont suivies accroissent l’écart social et technologique entre les pays les plus avancés du nord-ouest de l’Europe et les Etats membres plus périphériques de la Méditerranée et de l’Est. Les tensions qui résultent de cette situation démontrent que les forces du marchés ne peuvent assurer une convergence à un horizon politiquement acceptable et que la faible base fiscale supranationale des institutions européennes (en l’absence d’une taxation et d’une régulation des mouvements de capitaux) est insuffisante que pour assurer la convergence entre Etats membres. Il en résulte une perte de crédibilité au niveau international et une hostilité d’une partie importante de la population vis-à-vis du projet de construction européenne