La forme sérielle comme transformation de la vie et image de l’histoire. Enquête esthétique dans la pensée de l’histoire de Georg Simmel

Cet article a pour objectif d’examiner l’évolution conjointe de la théorie de l’image et de la conception anthropologique de Georg Simmel, à travers un croisement entre sa philosophie de l’histoire et sa pensée esthétique. Dans son Rembrandt paru en 1916, le statut de l’oeuvre d’art tout comme la définition de l’homme se trouvent en effet bouleversés par l’apparition d’une forme esthétique encore inédite : la forme sérielle. Cette problématique de la représentation multiple – et de la nouveauté paradoxale qu’elle induit – renvoie la pensée du philosophe à une interrogation plus large concernant le caractère désormais problématique de l’oeuvre d’art. Alors proche de la réflexion entamée par le Werkbund, Simmel tente d’élaborer dans ses derniers essais une nouvelle approche esthétique qui ne se fonderait plus sur les seuls principes d’unicité et d’insularité de l’oeuvre. Mais la forme sérielle constitue également pour Simmel la possibilité d’une réflexion plus vaste, qui trouve son véritable déploiement dans ses derniers textes de philosophie de l’histoire. À travers l’analyse de trois courts essais parus entre 1916 et 1918, nous désirons prendre la mesure de ce tournant intellectuel qui enveloppe à la fois des enjeux esthétiques et anthropologiques. La forme sérielle y devient en effet l’image même de l’histoire, une image paradoxale dont l’unité demeure inatteignable, à l’instar des vies que l’histoire est censée dépeindre. Notre article désire ultimement expliciter la problématisation de l’unicité au sein de l’oeuvre tardive de Simmel et, à travers cette mise en crise, l’intimité de destin qu’y partagent l’homme et l’image