Les traités de paix de 1919 et l'émergence internationale des droits humains

De manière remarquable et peu mise en évidence, les traités de paix ont consacré une série assez impressionnante de droits qui font aujourd’hui partie du droit international des droits de l’homme : des droits sociaux fondamentaux, dont l’égalité salariale homme-femme ou l’interdiction du travail des enfants, la liberté de religion et de conscience des peuples indigènes ou la liberté de religion et d’enseignement des minorités nationales, l’interdiction de la traite des esclaves, etc. Certaines de ces dispositions, adoptées en 1919, sont aujourd’hui encore en vigueur dans le droit international. Plusieurs auteurs ont ainsi considéré les traités de paix, et spécialement certaines dispositions fondatrices de la Société des Nations et de l’Organisation internationale du Travail, comme le premier instrument international consacrant des droits humains. L’expression n’apparaît cependant pas, ni dans les traités ni dans les travaux préparatoires de ceux-ci. Certains droits fondamentaux, consacrés de plus ou moins longue date dans les constitutions nationales, ne sont pas non plus repris dans les traités de paix (l’égalité, notamment raciale, la propriété, la liberté de la presse, la promotion de la démocratie, etc.). A la suite des travaux de Bruno Cabanes, Jasmien Van Daele et Pam Bromley, la présente contribution démontre l’émergence de ces droits fondamentaux dans les traités de paix et explique les choix qui ont été fait par leurs auteurs en faveur de droits de nature plutôt collective, en limitant la portée individuelle de ceux-ci (par opposition aux choix qui seront faits après la Seconde Guerre mondiale). Elle analyse ensuite l'effectivité des droits consacrés à Versailles, avant d'en tirer des conclusions sur la place des traités de paix dans l'histoire des droits humains