Les activités physiques et sportives comme moyen de lutter contre l’isolement social

L’office des sports d’Arras a mis en place, en 2022, de quoi réinsérer des personnes en situation de grande précarité . S’il ne s’agit pas de se substituer à un dispositif de réinsertion sociale déjà bien installé sur le territoire, il est question d’« aller-vers » ces personnes en leur proposant des activités physiques et sportives (APS). Des activités dont la mobilisation permettrait d’atteindre quelques objectifs très généraux : redonner le goût de l’effort, améliorer ou recréer l’estime de soi, favoriser la cohésion, la solidarité, améliorer la santé physique, psychologique et sociale, rétablir un lien social fragilisé voire rompu (Paugam, 2017), l’inclusion et le bien-être de ces personnes.L’étude menée consiste en l’analyse du dispositif et l’identification des effets des APS auprès d’un public particulier que sont les sans-abri et anciens sans-abri. Ces personnes cumulent les critères de vulnérabilité/précarité d’un point de vue économique (pas ou peu de revenus, pas de logement, difficultés à se nourrir) mais aussi au niveau social, sanitaire, éducatif, professionnel, etc. Au regard des travaux de Serge Paugam (2008) sur les fragilités et les ruptures des liens sociaux, cette population pourrait être plus encline à connaître une situation plus ou moins durable d’isolement social. Cette notion s’entend comme « la situation dans laquelle se trouve la personne qui, du fait de relations durablement insuffisantes dans leur nombre ou leur qualité, est en situation de souffrance et de danger » (Serres, 2017).Cette communication s’attache donc à montrer si, comment et à quelles conditions la pratique d’APS permet de pallier les situations d’isolement social auprès de ces personnes en situation de grande vulnérabilité. Si la contribution du sport à l’insertion sociale des individus a parfois été démontrée scientifiquement et dans certaines circonstances, il faut « relativiser et [en] contextualiser les effets » (Gasparini, 2008, 11) car ces derniers peuvent être conditionnés par la discipline sportive pratiquée, les modalités de pratiques et surtout, les caractéristiques sociales des pratiquants (Eitle et Eitle, 2002). Est-ce que les APS permettent à ces personnes de rompre, même temporairement avec leur isolement social ? Et à quelles conditions ?La singularité du terrain faisant, une démarche ethnographique, toujours en cours, a été privilégiée. Pour l’heure, trois outils de recherche ont été mobilisés. Des entretiens compréhensifs (Kaufmann, 2016) ont été menés avec les différents acteurs du dispositif (N=4). Des observations de séances (N=33) ont été réalisées dans trois associations différentes d’accueil de sans-abri ou d’anciens sans-abri en 2022 et 2023 : il s’agit d’un centre d’accueil de jour, d’un centre d’hébergement et de réinsertion sociale et d’une maison-relais. Enfin, après cinq mois de présence sur le terrain, nous avons privilégié les entretiens biographiques (N=7) (Demazière et Dubar, 1997) avec les résidents de la maison-relais étant donné que ces participants étaient les plus « stabilisés », les plus assidus aux séances mais aussi, en termes d’opportunité méthodologique (Landour, 2013), les plus accessibles. Et ce, pour expliquer ce qui les amène à s’investir dans la pratique d’APS.Nos résultats révèlent que la participation aux APS dépend de plusieurs facteurs relatifs à des éléments de contexte (la structure d’accueil, les conditions sociales d’existence, l’activité proposée, le lieu de pratique, l’intensité de l’activité) et aux caractéristiques individuelles de cette population (âge, sexe, santé, condition physique). Ensuite, nous avons placé la focale sur les résidents de la maison-relais. En tenant compte de leurs caractéristiques sociodémographiques, de leurs conditions de vie actuelles mais aussi et surtout de leur trajectoire biographique, nous avons constaté que leurs socialisations antérieures (origine sociale, liens de filiation, trajectoires scolaire et professionnelle, accidents biographiques) et leurs conditions sociales d’existence les ont menées et les maintiennent en situation d’isolement social. Enfin, si les séances d’APS dispensées apportent des moments de répit et disposent au moins d’effets intégrateurs sinon socialisateurs, cela ne se fait jamais totalement du fait de leurs socialisations antérieures (Bordiec, 2018). S’il ne semble pas possible de transformer ou convertir ces individus en termes de socialisation (Darmon, 2016), les activités proposées leur permettent au moins de mieux supporter leur condition d’isolés