« Observations sur la culture matérielle dacquoise du XVIIIe siècle. », Bulletin de la Société de Borda, 460, 2001, pp. 71-87

Les gestes et des objets qui matérialisent les contingences de la vie quotidienne, constituent de précieux témoins du fonctionnement et des aspirations d’une société, ainsi, au XVIIIe siècle, celle de la petite mais active cité de Dax. L’accès à ce world of goods perdu repose pour l’essentiel sur un corpus écrit composé d’archives notariales, municipales ou judiciaires et de relations de voyageurs, toutefois, l’apport des quelques vestiges du passé n’est pas à négliger. Notre étude du quotidien dacquois s’organise autour d’un jeu d’échelles : après avoir observé la maison et son mobilier, nous aborderons les pratiques alimentaires, avant de nous pencher sur les apparences individuelles. L’observation de cette culture matérielle urbaine, nous renseigne sur les paradoxes d’une petite ville commerçante (Dax compte à la fin de l’Ancien Régime, entre trois mille cinq cents et quatre mille habitants) aux fonctions importantes (la ville, qui est aussi cité épiscopale, est au centre des ressorts d’une sénéchaussée, d’un présidial et d’une élection). Certains traits de la culture matérielle révèlent une réelle urbanité qui fait oublier la petite taille de la cité : l’intégration à l’économie maritime aturienne se manifeste par certaines consommations, tels les meubles de sapin ou les fromages venus de Hollande ou pour les plus aisés par la sensibilité à des modes qui pénètrent par la porte océane bayonnaise ; la présence au sommet de la hiérarchie locale, du fait de l’importance des fonctions, de quelques hommes puissants, intégrés à des réseaux de sociabilité qui s’étendent bien au delà des pays de l’Adour et souvent curieux de nouveautés (le cas du dernier évêque de l’Ancien Régime, fort imprégné d’un goût parisien dont témoignent nombre des objets qui l’entourent et dans sa tentative d’introduire ici le missel et le bréviaire en usage dans la première ville du royaume, est éloquent) a joué un grand rôle dans la pénétration locale de consommations de luxe qui se sont par la suite lentement diffusées, au gré notamment des ventes de meubles, au sein d’une plus large élite dacquoise, avant de pénétrer, parfois, au terme d’un (très) long processus de trickle-down dans les foyers de la majorité de la population. En revanche, certains traits des pratiques de consommation qui présentent de fortes analogies avec celles qui ont cours dans les campagnes des environs mais qui ne se retrouvent pas dans la ville moyenne de Bayonne, rappellent la petite taille de la cité, ainsi l’importance dès le début du siècle du mobilier de chêne et de pin (le noyer domine alors dans le port maritime) ou la consommation de pains tout ou partie de seigle, assez importante pour qu’ils soient mentionnés lors de l’établissement de la taxe alors que dans la ville moyenne (à Bayonne, mais aussi à Libourne ou à Agen), les registres n’évoquent que des pains de froment (ce qui ne signifie pas que cet idéal se réalise toujours)