La mémoire et le pardon. Les Commissions de la vérité et de la réconciliation en Amérique latine

Au cours des années quatre-vingts et quatre-vingt-dix, les pays latino-américains, profondément meurtris et déchirés par des décennies de régimes autoritaires et de guérillas révolutionnaires, à la recherche d'une consolidation durable des systèmes démocratiques, ont vu dans la création de commissions de la vérité et de la réconciliation un remède au caractère conflictuel des rapports humains dans des sociétés fortement marquées, sur le plan collectif, par des clivages idéologiques et sociaux hérités d'un passé récent. Sans parler, sur le plan individuel, des douleurs physiques et morales parfois indicibles ou des rancœurs et sentiments d'injustices très forts parmi les populations. Les résultats obtenus n'ont certes pas toujours été à la hauteur des espérances, et les sociétés ne se sont pas trouvées pacifiées simplement par la création de ces commissions, mais un pas décisif a souvent été franchi sur le chemin tortueux conduisant à une démocratie consolidée. Établir la vérité sur le passé et intégrer la construction de la mémoire collective dans le processus de réconciliation des ennemis d'hier devait ainsi contribuer, malgré les risques et les difficultés que présentait l'entreprise, à écarter un retour des vieux démons et à tourner durablement la page d'une des périodes les plus sombres du sous-continent. Cet ouvrage propose une analyse inédite de l'expérience latino-américaine des commissions de la vérité et de la réconciliation, à travers un ensemble d'études juridiques et sociologiques dans lesquelles les auteurs livrent une réflexion de fond souvent enrichie par l'expérience qu'ils tirent, soit de leur participation aux travaux des commissions, soit de leurs actions en matière de défense des droits de l'homme. Il offre ainsi un regard croisé sur l'une des expériences les plus riches d'enseignements sur les forces et les faiblesses des régimes démocratiques. During the 1980s and 1990s, the Latin American countries, deeply bruised and torn by decades of authoritarian regimes and revolutionary guerrillas, in search of a lasting consolidation of the systems The creation of truth and reconciliation commissions has been seen as a remedy for the conflictual nature of human relations in societies that are collectively strongly marked by ideological and social divisions inherited from the recent past. Not to mention, at the individual level, the sometimes unspeakable physical and moral pain or the strong resentment and feelings of injustice among the population. The results obtained have certainly not always lived up to expectations, and societies have not been pacified simply by the creation of these commissions, but a decisive step has often been taken along the tortuous path leading to a consolidated democracy. Establishing the truth about the past and integrating the construction of collective memory into the process of reconciling yesterday's enemies should thus contribute, despite the risks and difficulties involved, to averting a return of the old demons and turning the page on one of the darkest periods of the subcontinent. This book offers an unprecedented analysis of the Latin American experience of truth and reconciliation commissions, through a series of legal and sociological studies in which the authors provide an in-depth reflection often enriched by the experience they draw from their participation in the work of the commissions or their actions in the defense of human rights. It thus offers a cross-examination of one of the most instructive experiences on the strengths and weaknesses of democratic regimes