« Le poids des innovations alimentaires récentes dans la constitution de l'identité culturelle alimentaire du Sud-Ouest de la France (de la seconde moitié du XIXe siècle à nos jours). », in A. Drouard y J.-P. Williot (ed), Histoire des innovations alimentaires, Paris, L'Harmattan, 2007, pp. 243-259.

Mille-feuilles culturel caractérisé par des produits, des techniques culinaires, des plats et des modes de consommations que ceux dont ils font partie intégrante de la culture considèrent comme « propres » et que les autres regardent comme typiques, une identité culturelle alimentaire régionale (ICARe) se construit peu à peu par une lente et perpétuelle sédimentation d’usages et de représentations. L’intégration au corpus alimentaire de quelques espèces américaines (le maïs, le piment, le canard de barbarie...), bien antérieure à 1850, revêt une importance capitale dans la constitution de l’ICARe du Sud-Ouest de la France, cependant, les innovations accumulées au cours des cent cinquante dernières années marquent elles aussi fortement le faciès actuel de l’identité culturelle alimentaire de cette région. Certaines ont depuis longtemps perdu leur caractère innovant, tandis que d’autres sont au cœur de l’actualité gourmande, mais toutes viennent rappeler le caractère dynamique de l’ICARe. De la sélection avicole à la création culinaire, en passant par l’adoption de nouvelles techniques de conservation, ces innovations sont de nature fort différente et ne manquent pas de se combiner. Aussi, afin de respecter cette complexité, sont-ce de grandes catégories d’aliments qui serviront de repères au fil de cette étude : nous y goûterons successivement les produits de l’élevage et de l’horticulture, quelques aliments à la saveur plus sauvage et diverses boissons, en suivant chaque type de denrées du champ à la table, afin d’aborder les innovations, qui ont marqué leur histoire récente, dans toute leur diversité. Les innovations qui depuis 1850 ont contribué à la constitution de l’identité culturelle alimentaire actuelle du Sud-Ouest de la France présentent une grande variété. Quelques introductions d’espèces, de races ou de variétés ont modifié, souvent en le diversifiant, le corpus alimentaire, qui a aussi évolué dans le même temps par le jeu des améliorations, des sélections ou des modernisations générées par l’innovation agricole, zootechnique ou halieutique ; industriels ou cuisiniers, d’aucuns ont employé des techniques, créé des recettes qui par la suite se sont diffusées. Dans cette dynamique interne du corpus alimentaire, bien des innovations qui n’ont rien d’alimentaires ou d’agricoles, de la bicyclette à l’électricité, ont tenu leur rôle ; elles ont eu aussi une importance considérable dans la construction d’une autre facette de l’ICARe, la confrontation aux goûts des autres, rendue possible par le déplacement des produits (commerce) ou des hommes (tourisme), songeons aux chemins de fer, à l’automobile... Art de mêler l’ancien et le moderne, la rétro-innovation permet la (re)naissance de délices variés, en entraînant la recherche d’originalité dans un jeu complexe avec l’imaginaire spatio-temporel