Enjeux politiques et financiers autour d'une technique urbaine. Paris et ses transports

The political and financial stakes of an urban technology. On February twenty-third nineteen fifty-five, the imperial administration granted the monopoly of public transportation intra muros to the Compagnie Generale des Omnibus. By tracing the evolution of the public transportation networks, an attempt is made to describe the stages in the establishment of a public service through the various legal and commercial forms of their relationship with the local administrative authorities, and the successive transportation technologies. From an ideological standpoint, a public service is in a sense at the borderline between the dominant liberalism and the interventionist doctrines that the adversaries of the system have elaborated, then tried out at the most vital points. The public service concept also introduces another conflictual dimension, since it involves at least two categories of intervening parties. The state and its representatives at the local level, first of all ; the prefects — depositories of the general interest — have quite naturally developed an «exogenous » conception of the transportation they intend for the capital. But the conventional view of the prefects as a simple transmission belt for the central power-structure should be modified somewhat in view of the fact that contacts with the local realities and elected officials have inclined some of them to play the role of arbiter. Deriving their authority — at least since the fall of the Empire — from electoral sources rather than others, the local authorities have countered the central power-structure with an «endogenous» conception of public service centered on the defense of «city interests ». But this local power is shared by two assemblies — the municipal council and the general council — whose views concerning transportation policy finally diverged in the period between the two wars. The transportation system has been no more than a political bone of contention between these two organs, as well as between both assemblies and the central power-structure, the conflictual relations deriving not only from the nature of the local and general interests they defend but also from distinct political conceptions. The history of public transportation cannot, however, be reduced to these complex relations between institutional actors. This public service is also a private industry involving the investment of capital and therefore the participation of another category of agent, from the world of industry and finance. The economic power is not monolithic and displays internal tensions of its own. All its components share certain common aims, in the sense that the capital invested in the public transportation production cycle must finally yield a reasonable profit. But the methods and objectives have differed — sometimes radically — as a result of the restructuration of investments in the Paris transportation companies. During this period, the supply of transportation was never a coherent, technical, direct and objective response to the demand, but rather the product of multiple, complex, political and financial influences that have had an impact on it. The aim of this article is not so much to provide a short-term in-depth analysis as to describe the main lines of this nearly century-old story in order to bring out the continuities, the discontinuties and what may be considered the essential facts.Le 22 février 1855, l'administration impériale octroie le monopole des transports en commun intra muros, à Paris, à la Compagnie générale des omnibus. En suivant les développements des réseaux de transports en commun, on cherche à repérer les étapes de la constitution d'un service public, à travers les différentes formes juridiques et commerciales de leurs rapports aux autorités administratives locales et la succession des techniques de transport. Du point de vue idéologique, le service public est en quelque sorte à la lisière entre le libéralisme dominant et les doctrines interventionnistes que les oppositions au système ont élaborées, puis voulu expérimenter sur ses points les plus névralgiques. Le service public introduit aussi une autre dimension conflictuelle, dans la mesure où il implique au moins deux catégories d'intervenants. L'Etat et ses représentants au niveau local : les préfets — dépositaires de l'intérêt général — ont naturellement développé une conception «exogène » des transports qu'ils envisageaient pour la capitale. Il convient cependant de nuancer le rôle de simple relais du pouvoir central attribué aux préfets, dans la mesure où les contacts avec les élus et les réalités locales les ont poussés — pour certains — à remplir aussi une fonction d'arbitrage. Issu d'une autre légitimité — celle-ci électorale, tout au moins dès la chute de l'Empire — , le pouvoir local a opposé au pouvoir central une conception «endogène » du service public, axée sur la défense des «intérêts urbains ». Seulement, ce pouvoir est partagé entre deux assemblées — le conseil municipal et le conseil général — dont les convictions, en particulier sur la politique des transports, ont fini par diverger entre les deux guerres. Entre l'une et l'autre, le système des transports parisiens n'a d'ailleurs été qu'un argument dans un débat d'ordre essentiellement politique, comme d'ailleurs, entre l'administration centrale et ces deux assemblées, les rapports conflictuels n'ont pas seulement tenu à la nature des intérêts qu'elles ont défendus, général et local ; ils relèvent aussi largement du domaine politique. Cependant, l'histoire des transports en commun parisiens ne se résume pas à ces rapports complexes entre acteurs institutionnels. Ce service public est aussi une industrie privée qui suppose la mise en œuvre d'un capital et implique par conséquent une autre catégorie d'intervenants issus du monde industriel et financier. Le pouvoir économique n'est pas monolithique, il possède ses propres tensions internes : entre toutes ses composantes, la finalité certes est identique, puisque le cycle de production du transport devait en définitive rémunérer et valoriser le capital investi dans le service public. Mais les méthodes et les objectifs ont différé — parfois radicalement — au gré des mouvements de restructuration des capitaux engagés dans les entreprises parisiennes de transport. Durant cette période, l'offre de transport n'a donc jamais été une réponse technique cohérente, directe et objective à la demande, mais bien le produit d'interférences politiques et financières, multiples et complexes qui ont présidé à sa déformation. Plutôt qu'une analyse approfondie sur une période courte, cet article tente de présenter les grandes lignes de cette histoire presque centenaire, afin de mettre en valeur les continuités, les ruptures et les faits à notre sens les plus marquants.Lo que esta en juego en los objetivos políticos y financieros alrededor de una técnica urbana. El 22 de febrero de 1855, la administración imperial concedió el monopolio de los transportes en común, en el interior de Paris, a la Compañía General de los Omnibus. Siguiendo los desarrollos de las redes de transportes en común , se busca marcar las etapas de la constitución de un servicio público, a través de las diferentes formas jurídicas y comerciales, de sus relaciones con las autoridades administrativas y locales, y la sucesión de las técnicas del transporte. Del punto de vista ideológico el servicio público está, en cierta manera en el límite entre el liberalismo dominante y las doctrinas intervencionistas que las oposiciones al sistema han elaborado y querido experimentar en sus puntos mas neurálgicos. El servicio público introdujo también otra dimensión conflictual, en la medida que implica, al monos, dos categorías de intervi-nientes. El Estado y sus representantes al nivel local : «los prefects », depositarios del interés general, han desarrollado naturalmente mente una concepción «exógena » de los transportes para la capital. Sin embargo, conviene matizar el papel de simple relevo del poder central atribuido a los «prefects», en la medida que los contactos con los responsables políticos y las realidades locales los ha llevado, a algunos de ellos, a cumplir una función de arbitraje. Procedente de la legitimidad electoral, al menos desde la caída del imperio, el poder local ha opuesto al poder central una concepción «endógena » del servicio público, centrada en la defensa de los «intereses urbanos ». Este poder está dividido entre dos asambleas, el consejo municipal y el consejo general, de las cuales las convicciones en particular sobre la politica del transporte, han terminado por divergir entre las dos guerras. Entre una y otra, el sistema de transportes parisienses no ha sido más que un argumento en un debate de orden esencialmente político, como por otro lado, entre la administración central y estas dos asambleas, las relaciones conflictuales no se deben solamente a la naturaleza de los intereses que han defendido, dependen, también, ampliamente del dominio público. La historia de los transportes en común parisienses no se resume sin embargo a estas relaciones complejas entre actores institucionales. Este servicio público es también una industria privada que supone la puesta en obra de un capital e implica en consecuencia otra categoría de ihtervinientes provenientes del mundo industrial y financiero. El poder económico no es monolítico y posee sus propias tensiones internas : entre todos sus componentes la finalidad es por cierto idéntica porque el ciclo de producción del transporte debe, en definitiva, remunerar y valorizar el capital invertido en el servicio público. Pero los métodos y los objetivos han diferido, a veces radicalmente, a la merced de los movimientos de restructuración de los capitales comprometidos en las empresas parisienses del transporte. Durante este período la oferta de transporte no ha sido jamás una respuesta técnica coherente, directa y objetiva a la demanda, sino el producto de interferencias políticas y financieras, múltiples y complejas que han presidido su deformación. Más bien que un análisis profundo sobre un período corto, este artículo intenta presentar las grandes líneas de esta historia casi centenaria con el fin de poner en valor las continuidades, las rupturas y los hechos, de nuestro punto de vista, los más notables.Larroque Dominique. Enjeux politiques et financiers autour d'une technique urbaine. Paris et ses transports. In: Les Annales de la recherche urbaine, N°14, 1982. pp. 70-98