Représentation et interdiction de l'amour chez Euripide

In the eyes of Aristophanes, his perfidious contemporary, Euripides would practically be the inventor or erotic literature. The same opinion has been taken up time and again by the historians of literary culture. Whatever Aristphanes may think, no exaltation of love is ever to be found in Euripides, but rather a representation of it by means of a dialectical process of opposite forces, in which the expressive language of the passion is determined by interdiction even to the point of being identified with the latter : love can be spoken of only on condition that some denial should be expressed, whatever that denial may be. There exist in Euripides several types of denial corresponding to varying depths of interdiction. I here propose to distinguish three main levels of negation, according to the way love is textually negated. Existence (ontological interdiction : Hippolytus). The whole dramatic process in Hyppolytus fully identifies itself with the project of concealing love in silence and when absolute silence is no longer possible the concealment operates through the complementary means of death and lies. Value (axiological interdiction : Medea). Even if love is capable of imposing its own regulations the result is woe and crime condemned by the very person in love. The denomination proper (nominal interdiction : Alcestes). In Alcestes the highest benefit is produced by the exclusive affection of a woman for her husband to whose life she gives preference over her own and the happiness of her beloved children. But she does not call « love » this sentiment and she sounds as though she were weakening its specificity by extending her concern to the wider realm of tenderness. Yet, for all these censuring phenomena, one must admit that Aristophanes is right : the identity of representation and interdiction must be read both ways, in other words all interdiction gives sharper relief to the object under ban : Phaedra's reticence brings forth a long gradual self-revelation ; Medea's guiltiness paradoxically strengthens the emotional sympathy of the onlooker ; Alcestes' puritanical language lends itself to unmasking by Admetos.Aux yeux de son perfide contemporain Aristophane, Euripide est pratiquement l'inventeur de la littérature erotique. Cette même opinion a été répétée plusieurs fois par les historiens de la culture littéraire. Quoi qu'en pense Aristophane, on ne trouve jamais chez Euripide l'exaltation de l'amour, mais plutôt sa représentation dans une dialectique de forces opposées, où le langage expressif de la passion est déterminé par l'interdiction, à tel point qu'il s'identifie avec elle : on peut parler de l'amour uniquement à condition de prononcer une dénégation quelle qu'elle soiL II y a chez Euripide plusieurs types de dénégation qui correspondent à des niveaux plus ou moins profonds d'interdictions ; je propose ici de distinguer trois niveaux principaux, selon que la stratégie textuelle nie à l'amour : l'existence (interdiction ontologique : Hippolyte). L'action dramatique de l'Hippolyte s'identifie totalement avec le projet de cacher l'amour par le silence, et quand le silence absolu n'est plus possible, par les moyens complémentaires de la mort et du mensonge ; la valeur (interdiction axiologique : Médéé). Même si l'amour est capable d'imposer ses règles, n'en résultent que malheur et crimes condamnés par la personne amoureuse elle-même ; la dénomination propre (interdiction nominale : Alceste). Dans l'Alceste, les plus grand des bienfaits est produit par l'affection exclusive qu'une femme a pour son mari, dont elle fait passer la vie avant la sienne et avant le bonheur de ses enfants bien- aimés. Mais elle n'appelle pas « amour » ce sentiment, et donne l'impression d'affaiblir sa spécificité dans le plus ample domaine du tendre. Pourtant, malgré tous ces phénomènes de censure, on doit reconnaître qu'Aristophane a raison : en effet, l'identité de représentation et interdiction doit être lue dans les deux sens, c'est-à-dire que toute interdiction accorde plus de relief à l'objet interdit : la réticence de Phèdre produit une longue et graduelle révélation ; la culpabilité de Médée renforce paradoxalement la solidarité émotive du spectateur : le puritanisme linguistique d' Alceste s'offre à être démasqué par Admète.Paduano Guido. Représentation et interdiction de l'amour chez Euripide. In: Pallas, 38/1992. Dramaturgie et actualité du Théâtre Antique. pp. 259-265